Dans le bureau du Dr Rivet, Karine demande quelques explications, suite à la proposition de la psychiatre.
- Nous avons déjà mis en place un dispositif très simple avec les médecins généralistes. L'objectif est de prioriser la prise en charge des patients psychiatriques qui ne suivent plus correctement leur traitement, mais pour lesquels on évalue une mise en danger, vis-à-vis d'eux-mêmes ou d'autrui. On les appelle les patients décrocheurs.
- Et comment ça se passe concrètement ?, demande la titulaire de la Pharmacie du Marché.
- Avec ça.
La psychiatre lui montre l'écran de son ordinateur, puis tapote sur son smartphone.
- Ce logiciel est un système d'alerte. Il est relié à une application, sur téléphone. Une sorte de WhatsApp sécurisé qui permet d'envoyer à un groupe choisi une suspicion ou carrément de faire part d'un comportement anormal concernant un patient. Ici, à l'hôpital, nous avons créé une équipe spécialisée pour analyser ces signalements, une sorte d'équipe de sauveteurs.
Karine écoute, très intriguée et fascinée par cette initiative. Un peu agacée aussi que les pharmaciens n'aient pas été mis dans la boucle plus tôt, voire même découvrent l'existence de ce système. « Peut-être que cela aurait permis d'éviter le drame pour Mme Garnereau », songe-t-elle.
Le Dr Rivet reprend ses explications.
- J'avais demandé à intégrer les pharmaciens d'officine, mais pour tout vous dire…
Elle s'arrête, hésitante.
- Nous souhaitions d'abord l'expérimenter avec peu de professionnels de santé. Et puis, nous avons déjà évoqué ce système avec vos représentants syndicaux mais leur intérêt s'est plus porté sur l'aspect rémunération. Je vous le dis tout de suite, il n'y en a pas. C'est juste un canal plus direct, financé par l'hôpital, pour que nous soyons en contact les uns avec les autres.
Karine n'en revient pas. Elle n'a jamais compris et ne comprend toujours pas la démarche selon laquelle toute initiative en santé doit être convertie en euros.
- Il n'y a pas à discuter. Nous devons effectivement pouvoir vous signaler rapidement les patients qui n'adhèrent plus à leur traitement. D'autant plus que nous sommes censés voir les patients plus souvent que vous au final, tous les mois.
Le Dr Rivet sourit à la pharmacienne.
À la Pharmacie du Marché, les récentes alertes concernant des faux positifs pour des tests antigéniques ont contraint à modifier l'organisation du dépistage. Le barnum a été supprimé ; les tests sont désormais réalisés dans la salle Pasteur, qui bénéficie d'une ouverture vers l'extérieur permettant l'aération régulière.
Julien a également commandé de nouveaux tests, qui permettent de détecter les protéines N + S du virus.
- Monsieur, vous êtes positif au coronavirus. Je vais vous expliquer comment vous organiser, ce que vous devez faire. Avant cela, pouvez-vous me dire si vous êtes allé à l'étranger récemment, ou si vous êtes en contact avec des personnes revenant d'Angleterre, demande doucement le jeune pharmacien à l'homme qui se trouve devant lui.
Un peu abasourdi par la nouvelle, le patient se reprend et finit par répondre :
- Je ne sais pas si c'est d'une grande importance, mais je participe à un groupe d'anglais, pour entretenir mes connaissances. Effectivement, Howard, notre "prof", est retourné dans son pays après les fêtes…
(À suivre…)