Success story

Un pharmacien nigérian invente le détecteur de faux médicaments

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Publié le 13/06/2019
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Il a bien failli mourir à cause d’un faux médicament acheté par son père dans une pharmacie de quartier il y a quinze ans. Face au fléau particulièrement répandu en Afrique et en Asie, Adebayo Alonge a inventé un laboratoire de poche capable d’authentifier un médicament en 30 secondes.
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Crédit photo : DR

Une crise d’asthme en janvier 2002. Adebayo Alonge a 14 ans, il vit au Nigeria, à Idaban. Son père lui donne un comprimé de Ventoline acheté à la pharmacie de quartier. Vingt et un jours de coma plus tard, l’adolescent décide de prendre sa revanche sur la vie. Doué, il entre à la faculté de pharmacie d’Idaban à 15 ans. Deux ans plus tard, il imagine Drugfast, un système pour sécuriser la livraison de médicaments entre les usines, les pharmacies et les particuliers. À 21 ans, il pense développer un spectrophotomètre de poche utilisable à domicile. À 25 ans, il rêve d’un dispositif permettant de vendre moins cher les médicaments aux personnes défavorisées et plus cher dans les zones riches.

Un foisonnement d’idées et de projets qui amène Adebayo Alonge à participer au Hult Prize à Londres, qui récompense les meilleures idées d’étudiants pour résoudre une urgence sociale. S’il n’est pas primé, il est repéré par le Mandela Washington Fellowship for Young African Leaders, un programme lancé par le président américain Barack Obama en 2014, offrant six semaines de formation dans des universités américaines à des jeunes d’Afrique subsaharienne. C’est ainsi qu’Adebayo Alonge atterrit dans le Connecticut en 2015 pour une session intensive à Yale… mais il n’en repartira plus !

Le jeune pharmacien est un assoiffé de connaissances. Il passe ainsi par la Lagos Business School au Nigeria, l’université Hitotsubashi à Tokyo (Japon), Yale et Harvard. À Yale, ses projets prennent forme. L’année même de son arrivée dans le Connecticut, il crée sa start-up à New Haven : RxAll. Cette fois le projet est lancé. Mis sur le marché en octobre 2018, le RxScanner a été utilisé par plus de 10 000 personnes en Afrique et en Asie. Et a concouru avec succès au concours international Hello Tomorrow, les 14 et 15 mars à Paris.

Un monde meilleur

Adebayo Alonge a su trouver les mots justes. « Rien que l’année dernière, notre solution a permis d’aider des autorités de régulation du médicament en Afrique et en Asie du sud-est à protéger plus de 10 000 personnes. Imaginez si nous arrivions à mettre notre solution à disposition de tous et partout. Cela voudrait dire qu’on pourrait sauver la vie de plus d’un million de personnes. Rejoignez-nous pour que notre rêve devienne réalité, et pour que plus personne dans le monde ne meure à cause d’un faux médicament. » Pari gagné, le trentenaire a décroché le grand prix de 100 000 euros devant 4 500 équipes issues de 119 pays.

En pratique, le RxScanner est un « nanoscanner portable pour authentifier un médicament en temps réel », une petite boîte noire qui tient dans la main, équipée d’une lentille sur laquelle poser un comprimé à analyser. Le résultat apparaît en 30 secondes via l’appli correspondante sur smartphone.

Le seul hic est son prix : 1 350 euros. Adebayo Alonge veut impérativement le rendre plus accessible et développer les abonnements mensuels pour quelques dizaines de dollars. Actuellement, 700 RxScanners sont en circulation et sont notamment utilisés par six autorités africaines habilitées à délivrer les autorisations de mise sur le marché (AMM) et par une chaîne de pharmacies en Birmanie.

Premier Africain à remporter cette récompense, c’est avec une émotion non feinte qu’il est revenu sur le long parcours qui sépare son coma de trois semaines à cause d’un faux médicament et sa présence à ce concours 15 années plus tard, où il a su convaincre d’adhérer à son rêve : que plus personne dans le monde ne soit menacé par un médicament contrefait. Son credo ? À l’image des scientifiques européens qui ont créé les premiers vaccins, il milite pour mettre la science au service d’un monde meilleur.

Mélanie Mazière

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3527