D’après l’étude Monaleesa-7, l’ajout du ribociclib à l’hormonothérapie, chez les femmes non ménopausées atteintes de cancer du sein hormonodépendant, améliore significativement la survie, avec 70 % de patientes en vie après 3,5 ans de suivi.
« Chez les femmes non ménopausées atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant (représentant deux tiers des tumeurs mammaires avant la ménopause), le traitement repose sur une castration chimique, avec des agonistes de la LH-RH, associée à une hormonothérapie (tamoxifène ou inhibiteurs de l’aromatase) pour faire un double blocage », explique le Pr Pierre Fumoleau, directeur général de l’Institut Curie. Cependant, l’étude de phase III Monaleesa-7, présentée à Chicago lors du congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), vient modifier ces pratiques.
672 patientes
L’essai a inclus 672 patientes non ménopausées de moins de 60 ans atteintes de cancers du sein avancés luminaux A ou B, avec des récepteurs hormonaux positifs et Her2 négatif. Les patientes sous hormonothérapie, inhibiteur de l’aromatase non stéroïdien (IANS) ou tamoxifène, recevaient également soit le ribociclib (Kisqali) à 600 mg/jour pendant 3 semaines puis arrêt d’une semaine, soit un placebo. Inhibiteur sélectif du cycle ciblant les kinases dépendantes des cyclines (CDK) 4 et 6, le ribociclib agit de façon synergique avec l’hormonothérapie. Après 34,6 mois de suivi, 26 % des patientes étaient toujours sous traitement : 35 % des femmes recevant le ribociclib et 17 % de celles sous placebo.
Une première analyse publiée en 2018 avait déjà mis en évidence une amélioration de la survie sans progression sous ribociclib : 23,8 mois versus 13 mois avec le placebo.
Les données de survie étaient très attendues…
Une réduction de 29 % du risque de décès
Dans l’analyse présentée et publiée mardi 4 juin, 83 décès ont été observés parmi les 335 patientes du groupe ribociclib (24,8 %) contre 109 chez les 337 patientes du bras placebo (32,3 %). « À 42 mois, le taux de survie passe de 46 à 70,2 % avec l’ajout du ribociclib. C’est la première fois que l’on démontre une augmentation de la survie globale avec un inhibiteur CDK 4/6 », s’enthousiasme le Pr Fumoleau. En effet, la survie globale des patientes sous placebo était de 40,1 mois alors qu’elle n’a pas été atteinte avec l’inhibiteur CDK 4/6 (p = 0,00973), soit une réduction de 29 % du risque de décès (HR = 0,71). « Cependant, les courbes de survie sont très particulières car elles divergent seulement après 2 ans et pas dès le début. Ce qui est étonnant… », modère le Pr Fumoleau (voir ci-dessous).
Chez les patientes sous ribociclib, les taux de survie étaient de 71 % lorsqu’elles recevaient également le tamoxifène et de 70 % lorsqu’il s’agissait d’un IANS. Sous placebo, ils s’élevaient respectivement à 55 % et 43 % avec le tamoxifène et l’IANS.
Vers un changement de la stratégie thérapeutique
« C’est la première étude à montrer une amélioration de la survie avec une thérapie ciblée associée à un traitement endocrine en première ligne des cancers du sein avancés », annonce le Dr Sara A. Hurvitz (Los Angeles), principale auteure de l’étude. « Jusqu’ici, on traitait par un inhibiteur CDK4/6 (ribociclib, palbociclib ou abemaciclib), associé à l’hormonothérapie, pratiquement toutes les femmes ménopausées. Aujourd’hui, les femmes non ménopausées peuvent aussi en bénéficier avec un impact important démontré sur la survie globale », précise le Pr Fumoleau.
Quant à la tolérance, les événements secondaires de grade 3/4 plus spécifiquement observés sous ribociclib étaient les neutropénies (63,5 % versus 4,5 % pour le placebo), hépatobiliaires (11 % versus 6,8 %) et un intervalle QT prolongé (1,8 % versus 1,2 %).
D’après la conférence de presse (abstract LBA1008) et les commentaires du Pr Pierre Fumoleau, directeur de l’Institut Curie.S.A. Im et al., "N. Engl. J. Med.", 4 juin, 2019.