Philippe Gaertner, président de la FSPF : un objectif partagé
Le Quotidien du pharmacien.- Les négociations avec l’assurance-maladie ont démarré le 22 février. Où en est-on aujourd’hui des discussions ?
Philippe Gaertner.- Nous sommes encore au début des négociations, mais à la FSPF, nous partageons l’objectif proposé par le directeur général de l’assurance-maladie, Nicolas Revel, de continuer à détacher la rémunération du pharmacien du prix du médicament. Aujourd’hui, les honoraires représentent 53 % de la rémunération et la marge commerciale, 47 %. La décision n’en est pas encore prise par l’assurance maladie, mais l’idée est d’augmenter la part d’honoraires jusqu’à 25 % supplémentaires. Autrement dit qu’elle avoisine les 75 % de la rémunération.
Quelles formes prendront les nouveaux honoraires ?
À mon sens, il faut d’abord définir combien les honoraires doivent représenter dans la rémunération. Ensuite, on pourra déterminer comment y parvenir. Mais nous sommes tous d’accord pour dire que l’ordonnance doit être un support des prochains honoraires. Aujourd’hui, on n’a pas encore tranché la question de savoir quelle part doit représenter les honoraires sur l’ordonnance et ceux correspondant aux honoraires à la boîte.
La rémunération de services est également au programme des négociations ?
Effectivement, on discute aussi du volet « accompagnement des patients ». Une série de pistes a été évoquée. Les entretiens actuellement en place devraient se poursuivre, mais des corrections seront apportées, notamment pour réduire les délais qui existent aujourd’hui entre la réalisation de l’entretien et son paiement. Il faudra trouver des modalités tout en restant dans une logique, a priori, de ROSP. Parmi les évolutions à attendre, il y a l’accompagnement des personnes âgées, peut être au travers de bilans de médication, mais aussi le développement de missions de dépistage et de prévention. Par exemple, il me semble essentiel que la convention envisage les suites de l’expérimentation de la vaccination.
La troisième version de l’ordonnance sur le réseau présentée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) ne vous satisfait toujours pas. Quels sont les points qui bloquent encore ?
Aujourd’hui, il se dégage une position commune sur la grande majorité des points entre l’Ordre, l’USPO et la FSPF. Ainsi, l’autorisation pour un local anciennement pharmacie d’avoir une activité pharmaceutique après un regroupement nous gêne particulièrement. En effet, imaginez que quatre officines situées aux quatre coins de la France se regroupent en une seule. Trois des locaux délaissés pourraient, dans ce cas, toujours réaliser de la PDA. Autant disposer d’un local à proximité d’une officine pour le stockage ne nous choque pas, autant nous sommes opposés à autoriser la pratique d’activités pharmaceutiques déportées. Il en est de même pour la création de succursales. Le projet d’ordonnance permettrait qu’en cas de non reprise d’une officine rurale, en raison d’un départ à la retraite d’un titulaire ou d’une impossibilité de vendre, cette pharmacie puisse rester quelques heures ouvertes par semaine. Il y aurait alors une seule licence pour deux lieux de vente. Nous y sommes opposés. Je préfère que l’on utilise la dispensation à domicile ou un soutien aux officines fragiles et indispensables.
Justement, la convention et le projet d’ordonnance prévoient un soutien aux officines fragiles. Qu’en sera-t-il concrètement ?
Il s’agit d’un dispositif qui doit permettre de maintenir une présence officinale là où on en a besoin. Mais rien n’est encore arrêté. Il faudra déterminer à partir de quel moment une officine est jugée indispensable pour en fixer les règles, et après sous quelle forme sera apporté ce soutien. Par exemple, en cas de non reprise d’une officine, on peut imaginer des aides à l’installation. Ces mécanismes peuvent être intégrés à la convention.
Gilles Bonnefond, président de l'USPO : nous entrons dans le vif du sujet
Le Quotidien du pharmacien.- Dans quel climat s’est déroulée la deuxième séance de négociations conventionnelles ?
Gilles Bonnefond.- Ces négociations ont été menées dans une ambiance de travail. Pour l’instant, nous avons déposé nos intentions sur la table, et nous faisons le tri entre ce qui est prioritaire ou non. Il est vrai que nous n’avons pas encore attaqué le dur, c’est-à-dire la partie économique et tout son mécanisme.
Quels ont été les principaux points abordés ?
Nous avons attaqué la partie métier et, tout particulièrement, la prise en charge des personnes âgées. Elle peut s’envisager sous deux aspects complémentaires. Soit sous l’angle d’un acte de dispensation, soit sous la forme d’un bilan de médication pour les personnes âgées qui accepteront l’entretien pharmaceutique. Rien n’a été arrêté à cette étape des négociations.
Les entretiens pharmaceutiques ont-ils également été à l’ordre du jour ?
Oui, et nous avons d’ailleurs travaillé sur une simplification du dispositif. Le système pourrait gagner en souplesse, en portant essentiellement sur les objectifs à atteindre et sur une rémunération des pharmaciens au fur et à mesure.
Nous avons également évoqué la prise en charge du sevrage tabagique, la vaccination, les tests d'angine ou encore le dépistage du cancer colorectal. Tout cela forme des pistes intéressantes pour une plus grande implication du pharmacien dans le suivi et l’accompagnement des patients, la prévention et le dépistage.
Le chantier de la rémunération a-t-il déjà été entamé ?
Non, la rémunération, à proprement parler, sera à l’ordre de la réunion du 9 mars, où nous allons entrer dans le vif du sujet, le volet économique. Pour moi, une chose est claire, si on ne met pas de l’argent sur la table sur l’acte de dispensation comme sur les nouvelles missions et un contrat de cinq ans sur l'enveloppe officine, ce sera difficile.
À propos de l’économie de l’officine, la notion de pharmacie fragile se retrouve aussi bien à l’ordre du jour de la convention que dans la troisième version du projet d’ordonnance sur le maillage officinal, discutée le 24 février…
Effectivement, la CNAM dédie un volet spécial de la convention à la situation des pharmacies fragilisées. Or le projet d’ordonnance dans la troisième version qui nous a été soumise, et qui ne nous satisfait toujours pas, stipule lui aussi, les zones fragiles comme étant susceptibles de bénéficier de la voie dérogatoire, au même titre que les aéroports.
Si nous ne nous opposons pas à la voie dérogatoire pour les aéroports internationaux, l'application aux zones fragiles ne nous convient pas. Il faut justement veiller à ne pas créer une fragilité supplémentaire pour ces officines existantes en créant de nouvelles pharmacies.
Quels sont les autres points sur lesquels vous serez particulièrement vigilants dans la quatrième version qui vous sera présentée dans quelques jours ?
Toujours au chapitre de la voie dérogatoire des transferts, la référence à la notion de surface commerciale ne nous satisfait pas. Si elle peut effectivement être applicable pour les maisons de santé, elle ne peut l’être pour des centres commerciaux, a fortiori dans des zones fragiles. Ce critère n’a rien à voir avec la santé.
Enfin, autre point sur lequel nous ne sommes pas d’accord, la possibilité, dans le cadre de regroupements d’officines, de poursuivre une activité pharmaceutique dans des locaux fermés à la suite du regroupement. Cette possibilité pourrait ouvrir la porte à des détournements de patientèle en dehors de sa zone d'activité.