La faculté de pharmacie de Rennes a organisé il y a quelques jours une table ronde réunissant les présidents des deux syndicats majoritaires (FSPF, USPO) ainsi que ceux du Conseil central A, de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et de la Fédération des groupements et enseignes de pharmacie (Federgy). La thématique, composée d'un état des lieux de la profession et de ses perspectives d'évolution, a été développée en une dizaine de points. Le premier a bien sûr porté sur la nouvelle convention avec la CNAM et les négociations en cours, commencées il y a dix ans dans le cadre de la loi HPST. Les syndicats revendiquent un plein statut de professionnel de santé pour le pharmacien dont le travail ne se résume pas à produire une facture d'ordonnance mais sous-entend l'accompagnement du patient, la sécurité de la dispensation, l'éducation thérapeutique… La CNAM doit également tenir compte de l'évolution du métier d'officinal, ce qui inclut les actes pharmaceutiques - entretiens, prévention, dépistage - qui font partie des missions du pharmacien et dont le patient peut bénéficier facilement et rapidement en franchissant la porte de l'officine.
Dans le même temps, les impératifs économiques imposent une transformation stratégique du positionnement de la pharmacie qui ne doit pas être le complément d'une politique industrielle du médicament. Reconnue pour ses capacités et valorisée, l'officine attend la mise en place d'une rémunération adaptée à sa réalité, une situation qui voit se développer les initiatives pharmaceutiques et diminuer la marge et les volumes de ventes. Être moins dépendant des baisses de prix impose de mettre en place un honoraire comme la rémunération de l'ordonnance qui valide l'acte de dispensation. Pour autant, passer d'une rémunération par la marge à une rémunération par honoraires ne sera pas facile, mais c'est une orientation à suivre. L'objectif est d'atteindre une part d'honoraires à 75 % basée sur différentes approches de rémunération, autour de l'ordonnance, autour du patient chronique, autour du produit. La fluidité dans le tiers payant avec une assurance maladie « zéro défaut » est une autre des attentes formulées par les syndicats.
Rémunérer tous les actes
À la question des bonnes pratiques de dispensation - applicables depuis le 1er février - et leurs conséquences pour les pharmaciens, quelques nouveautés sont évoquées comme la recherche des situations à risque et l'identification des causes d'erreurs médicamenteuses quand elles se produisent. L'intervention pharmaceutique (l'opinion), quant à elle, est conseillée dans une situation où la sécurité du patient peut être compromise. Elle doit être tracée - formalisée par écrit - et pourrait alors faire l'objet d'une rémunération. Chaque fois qu'il y a modification de la prescription, on pourrait envisager de rémunérer l'acte pharmaceutique comme le sont les entretiens. Le but étant de sécuriser la prescription du médecin dans une volonté d'accompagnement de sa démarche.
En matière de vaccination, les régions Nouvelle Aquitaine et Auvergne Rhône Alpes sont d'ores et déjà désignées comme étant les deux zones d'expérimentation du projet, mais deux autres régions pourraient intégrer le circuit expérimental par la suite. La formation au geste est, pour sa part, validée et une plateforme de remboursement est en cours d'installation. La vaccination se fera sur la base du volontariat et sera réservée à l'adulte. Une rémunération de 10 euros HT, qu'il faudrait notifier dans le cadre d'un avenant, est envisagée pour cet acte qui nécessite une coordination avec le médecin.
Côté technologie, le DP (dossier pharmaceutique) doit alimenter le DMP (dossier médical partagé) comme il est prévu dans la loi. Dès lors, le pharmacien aura accès à toutes les informations de santé concernant le patient (diagnostique médical, compte rendu, examens biologiques…). En ce qui concerne la PDA en ambulatoire, une définition de bonnes pratiques est vraiment nécessaire. En revanche, il est important qu'elle soit organisée car beaucoup de patients, dont les personnes âgées, en bénéficieront. Outil pour améliorer l'observance, la PDA doit être normée en termes de qualité si l'on veut que l'acte soit rémunéré. Mais elle fait partie des services pharmaceutiques prévus dans le cadre de la loi HPST.
Elle est cependant très différente de la dispensation à l'unité, sujet couramment abordé en cette période électorale, qui ne serait économe ni en temps ni en argent. La solution réside plutôt, côté industrie, dans l'adaptation des conditionnements. Parmi les derniers points évoqués, les questions de santé abordées par les candidats à l'élection présidentielle mériteraient d'être réorientées sur des axes essentiels : l'accès aux soins est un enjeu de demain, avec des zones géographiques où les médecins sont en reflux, alors que, de leur côté, les services d'urgence sont saturés. En réponse, il faudra développer l'ambulatoire, les soins et la prise en charge des maladies chroniques à domicile. Dans cette perspective, le médecin traitant va jouer un rôle crucial. La coordination des professionnels de santé, notamment au sortir de l'hôpital, sera donc absolument indispensable et, pour l'assurer, il faudra compter sur ce qui existe déjà, l'officine !
D'après une table ronde organisée sous l'égide de Noëlle Davoust, professeur associée officine.