La prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) est plus que jamais un défi dans le monde entier, y compris dans les pays développés. En écho aux recommandations américaines de novembre 2017, qui ont redéfini le seuil d’HTA > 130/80 mmHg, la société européenne de cardiologie (ESC) a adopté un positionnement plus musclé et néanmoins différent.
Lors de son congrès annuel qui s’est tenu du 25 au 29 août 2018, le Pr Guy De Backer, épidémiologiste et cardiologue belge, est revenu sur les points forts de ces nouvelles recommandations disponibles en ligne.
Seuil inchangé, objectif tensionnel révisé
Pas de tremblement de terre en Europe, le seuil d’HTA reste ≥ 140/90 mmHg, contrairement aux recommandations américaines. Pour autant, l’Europe se veut également plus interventionniste. « L’objectif tensionnel est de faire baisser la pression artérielle (PA) en dessous de 140/90 mmHg, commente le Pr Thierry Denolle, président de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA). Si le traitement est bien toléré, il faut viser une PA < 130/80 mmHg chez tous les sujets de 18 à 65 ans ».
Autre nouveauté par rapport aux Américains, l’Europe fixe un seuil minimal à ne pas dépasser. « Il ne faut pas descendre en dessous de 120 pour la PA systolique (PAS) et de 70 pour la PA diastolique (PAD) », précise le spécialiste français.
Bithérapie d'emblée
Le choix des traitements est plus offensif. « Il faut traiter plus vite et directement par une bithérapie, explique Thierry Denolle. Avant, il était recommandé de débuter par une monothérapie. Aujourd’hui, il faut d’emblée commencer par une association inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou sartan + diurétique ou inhibiteur calcique. Si possible, il est recommandé d’utiliser une combinaison en 1 seul comprimé. »
Pour les sujets de plus de 65 ans, les Européens sont moins stricts que les Américains, qui visent une PAS < 130 mmHg dans cette population. « Pour les sujets âgés, l’Europe recommande une PAS entre 130 et 140 mmHg si le traitement est bien toléré et en tenant compte des comorbidités, précise le cardiologue français. Il faut prendre en considération l’âge biologique plutôt que chronologique. Chez les sujets de plus de 80 ans et/ou en mauvais état général, il est permis de tolérer un peu plus. »
Mesure en ambulatoire et observance
Pour les traitements non médicamenteux de l’HTA, la dénervation rénale et la stimulation sympathique, l’Europe ne les recommande pas en dehors des essais cliniques.
Les recommandations de l’ESC mettent également l’accent sur la mesure ambulatoire de la PA (MAPA) et l’automesure, « ce que la France fait beaucoup », relève Thierry Denolle. L’observance est mise en avant, avec un rôle clé joué par les infirmiers et les pharmaciens dans l’éducation thérapeutique et la prise en charge au long cours. « L’observance est un problème majeur, souligne-t-il. Près de 50 % des patients qui débutent un traitement l’arrêtent dans l’année. »
« Un cri d'alarme » en France
La prise en charge de l’HTA s’est particulièrement dégradée en France ces dix dernières années. La situation inquiète la SFHTA qui lance un cri d’alarme depuis fin 2017 auprès des autorités sanitaires. « Seulement la moitié des hypertendus sont en dessous de 140/90 mmHg, comme le confirme la dernière étude de Santé Publique France », souligne-t-il.
La SFHTA travaille à l’élaboration de recommandations françaises, qui seront présentées mi-décembre 2018 lors de son congrès annuel. « Les Américains et les Européens disent la même chose, il faut viser un objectif tensionnel en dessous de 130/80 mmHg, explique le président de la SFHTA. Faut-il réellement descendre à ce seuil ? Faut-il revoir alors la définition de l’HTA ? C’est un enjeu majeur. »