Quel cadre pour les services à l'officine?

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Publié le 02/09/2019
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Le décret « services à l’officine », en vigueur depuis bientôt une année, accorde aux pharmaciens la possibilité de proposer des services en dehors du champ conventionnel. C’est une transformation du modèle professionnel et économique. L’activité du pharmacien devient hybride et la concurrence entre pharmacies va progressivement se déplacer sur le terrain des services labellisés.
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Quels services le pharmacien peut-il mettre en place ?

Le décret n’énumère pas de liste limitative et exhaustive. Cette absence de précision laisse une part d’interprétation. Le législateur indique cependant les terrains sur lesquels le pharmacien peut se positionner : il s’agit des « conseils et prestations dans le but de favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes ». Ces services doivent rester dans le prolongement des activités réglementairement autorisées en officine. Notamment, promouvoir des campagnes de santé publique, participer au dépistage des maladies infectieuses et des maladies non transmissibles, concourir à la prise en charge du patient dans le respect du parcours de soins coordonné par le médecin traitant.

En pratique, est-ce possible de proposer des consultations de diététique et nutrition ?

Le terme « consultation » est risqué, mieux vaut simplement indiquer « entretien ». La notion de « consultation » pourrait être reprochée car elle laisse entendre que le pharmacien établit un diagnostic et empiète ainsi sur le champ professionnel réservé aux médecins. Les frontières corporatistes sont encore bien ancrées et des poursuites pourraient être diligentées avec le risque inhérent à tout contentieux. Même si le champ d’activité du pharmacien s’ouvre, il existe actuellement une insécurité juridique. La jurisprudence sera ainsi amenée à fixer les limites à ne pas dépasser pour ne pas être taxé d’exercice illégal de la médecine.

La livraison à domicile peut-elle faire partie de ces services ?

Oui, le pharmacien peut offrir ce service au patient ou le facturer, sous réserve d’effectuer l’acte de dispensation préalable à l’officine. La livraison à domicile ne doit pas être confondue avec la dispensation à domicile, laquelle est réservée à une certaine catégorie de patients qui ne peuvent pas se déplacer à l’officine. Contrairement à la livraison à domicile, la dispensation à domicile ne peut être facturée.

Comment fixer le prix des services pharmaceutiques ?

Le décret permet de proposer des services en dehors du champ conventionnel. Donc avec une grille tarifaire libre. Avec une limite, dès lors que le pharmacien est amené à fixer librement les prix de ses produits et prestations, il doit « procéder avec tact et mesure ». C’est un principe déontologique de portée générale.

La publicité sur les services est-elle autorisée ?

Comme toute activité du pharmacien, une telle publicité est autorisée mais strictement limitée au point de vente, soit à l’intérieur de la pharmacie et en vitrine. Elle est également possible sur les pages Facebook, Instagram et le fil Twitter de la pharmacie, ces derniers étant assimilés aux vitrines. À condition de ne pas basculer dans la sollicitation de commandes. Notamment en utilisant des procédés racoleurs pour chercher des clients à l’extérieur de la pharmacie. Cela est illicite. En revanche, une simple information sur les prestations de services de la pharmacie ne sera jamais sanctionnée par une chambre de discipline.

Pourquoi ce décret signe un changement du modèle économique de l’officine ?

L’activité du pharmacien devient hybride et sa rémunération se déconnecte progressivement du prix du médicament. Les patients sont prêts à payer pour des services, lesquels valorisent la composante intellectuelle du métier. On est en train de changer de modèle. Le rôle pivot du pharmacien en matière de santé est promu. Principale conséquence, la concurrence entre pharmacies ne se jouera plus sur le terrain des prix mais sur celui des services labellisés. Cette orientation devient inéluctable.

Fabienne Rizos-Vignal

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3536