LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Xavier Bertrand doit intervenir au Congrès national samedi. Quels engagements pour l’officine attendez-vous de la part du ministre de la Santé ?
PHILIPPE GAERTNER. - Un premier pas a été franchi avec l’introduction dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 de l’article 39 prévoyant la négociation, dans le cadre conventionnel, d’un nouveau mode de rémunération. Mais, ce que nous attendons maintenant, c’est que le ministre de la Santé définisse un plan pour l’officine. Car, au-delà de la rémunération, plusieurs dossiers sont ouverts : préparation des doses à administrer (PDA), sociétés holdings, structure du réseau, vente sur Internet, développement professionnel continu (DPC), génériques, ou encore grands conditionnements. Lorsque l’on engage une modification aussi profonde que celle proposée par l’article 39, l’ensemble des sujets actuellement sur la table doit être examiné. Et c’est la position du ministre sur l’évolution qu’il souhaite donner à ces dossiers qui donnera la dynamique et surtout la confiance dans l’avenir. Xavier Bertrand doit aussi prendre des engagements économiques pour la profession permettant de réaliser les transformations prévues. Il faut donner de la visibilité aux pharmaciens. Dans le cas contraire, les évolutions attendues seront perçues comme un risque. Personne ne saura où il va.
Des mesures immédiates vous paraissent-elles nécessaires pour les pharmacies les plus en difficulté ?
Je crois malheureusement qu’aucune mesure immédiate n’est à même de régler les difficultés rencontrées par certains confrères. Néanmoins, il est nécessaire de donner une bouffée d’oxygène au réseau. La révision du calcul des marges des grands conditionnements est l’un des moyens de le faire. Il faut se rappeler que le montant de notre marge réglementée est inférieur à ce qu’il était fin 2005. Là aussi, il paraît essentiel de redonner confiance à l’ensemble des acteurs, dont les banques, afin qu’ils soutiennent le réseau. Aujourd’hui, il y a trop d’inquiétudes sur les perspectives d’évolution.
Comment ont démarré les négociations avec l’assurance-maladie sur l’évolution de la rémunération ?
Les négociations sur l’évolution du mode de rémunération n’ont pas encore réellement démarré avec l’assurance-maladie. En effet, nous ne pourrons aborder concrètement ce point que lorsque l’article 39 du PLFSS sera adopté définitivement par les parlementaires. En attendant, nous avons bien d’autres choses à régler avec l’assurance-maladie dans le cadre du renouvellement de la convention. En ce moment, nous travaillons, par exemple, à la mise en place d’un cadre opérationnel permettant d’intégrer les nouvelles missions. Ensuite seulement, nous pourrons discuter du volet rémunération. Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons réellement nous y engager qu’à partir du moment où l’on saura quelle sera la part de l’honoraire.
Justement, selon vous, quelle part l’honoraire doit-il représenter dans la future rémunération ?
Difficile de répondre à cette question. Ce dont je suis sûr, c’est que cela ne sera jamais 100 %. Il restera toujours une partie liée à la marge commerciale sur la vente de médicaments. D’ailleurs, on le voit, dans tous les pays où l’honoraire existe, une partie de la rémunération repose toujours sur une marge commerciale. Donc, même si je ne peux pas dire aujourd’hui quel sera l’objectif cible final, j’estime que 25 % de la marge proportionnelle sur le médicament pourraient être transformés progressivement en honoraires. Au-delà de ce chiffre, il faudrait trouver le moyen de stabiliser les écarts entre les officines. Attention, ces 25 % intègrent tout ce qui relève de la dispensation : honoraires à la ligne, à l’ordonnance et aux patients. Si on inclut le forfait à la boîte, la partie forfaitisée dépasserait finalement le tiers de la rémunération liée à la dispensation de médicaments. Les services rémunérés viennent en plus. Pour ces derniers, nous devons nous mettre d’accord avec l’assurance-maladie sur les thématiques qui justifieront un accompagnement plus complet. Cela pourra se faire à enveloppe constante pour l’assurance-maladie. Si demain vous empêchez l’hospitalisation d’un asthmatique parce que vous l’avez mieux suivi, il n’y aura pas de surcoût pour l’organisme payeur.
Avez-vous déjà établi un barème de rémunération en fonction des missions à accomplir ?
Non, c’est encore prématuré. Ce que nous avons fait tout au long de l’été, c’est de déterminer comment on peut mettre en place tout cela. Nous avons ainsi établi différents types d’actes. Il nous reste maintenant à créer des codes actes, que l’on reliera à divers types d’action, auxquels, enfin, on attribuera un niveau de rémunération.
Toutes les officines, et notamment les plus petites, pourront-elles entrer dans l’ère de l’honoraire et des services rémunérés ?
Parfaitement, sinon nous n’aurions pas choisi d’aller vers ce modèle. Pour de nombreuses nouvelles missions, les officinaux auront le choix de les mettre en œuvre, ou non, comme le prévoit d’ailleurs la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Par exemple, il sera plus facile d’être « pharmacien référent » si l’on exerce à proximité d’une maison de retraite. Mais pour les missions d’accompagnement des patients, de suivi de l’observance, je suis convaincu que tout le monde s’y engagera. Il y a des missions premières, obligatoires, comme celles relevant de la dispensation, que tout pharmacien sera à même de mener. Et puis, il y aura les autres, les facultatives, comme la participation à l’éducation thérapeutique des patients.
Ne craignez-vous pas que cela aboutisse à la création de différentes catégories d’officine ?
Elles existent déjà. Mais pas forcément sur le bon modèle. En effet, aujourd’hui, la différence se fait sur le critère commercial ou pas, low cost ou pas. Je préfère que l’on fasse avancer et progresser l’officine dans le sens d’un pharmacien davantage professionnel de santé. Les confrères s’y impliqueront à leur rythme, à l’image de ce qui s’est produit dans les pays où la notion de services existe déjà. Par exemple, en Grande Bretagne, la première année, seulement un quart des officines s’étaient engagées dans les missions d’accompagnement des patients chroniques et de dépistage. Désormais, nous en sommes pratiquement aux trois quarts. En France, cela ne se fera peut-être pas du jour au lendemain, mais les confrères devraient rapidement s’engager dans cette voie, car c’est le métier de demain.