« La refondation du système de santé doit prendre en compte des enjeux cruciaux comme le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques et la prévention de la perte d’autonomie, le tout dans un contexte de budget contraint », rappelle Nora Berra, conseillère de la région Auvergne-Rhône-Alpes et ancienne secrétaire d’État à la santé.
Elle souligne que la France a été « le premier pays à légaliser l’utilisation des outils numériques en santé », dans la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST), même si les décrets d’application pour la télémédecine ne sont parus qu’en 2014. « Le patient veut plus de qualité, de sécurité des soins, mais aussi plus de transparence, et l’outil numérique est le bon levier pour tout cela », estime-t-elle.
Néanmoins, elle pointe les freins qui subsistent : « Comment rembourser les actes utilisant des nouvelles technologies et comment rendre accessible l’ensemble du territoire au haut débit ? » interroge-t-elle. Elle rappelle que c’est un prérequis important pour harmoniser l’accès aux outils de télé-expertise ou de télédiagnostic sur l’ensemble du territoire.
Révolution des métiers de la santé
Véronique Wallon, directrice générale de l’agence régionale de santé (ARS) Auvergne Rhône-Alpes, confirme que « la fracture numérique » est un problème important à prendre en compte. Mais elle souligne aussi que l’évolution démographique et l’explosion des pathologies chroniques devraient « remettre au premier rang le sujet de la prévention ».
« La e-santé doit faciliter l’accès de chacun à des éléments de prévention », estime-t-elle. De plus, elle note que « la révolution technologique engendre une révolution de la prise en charge », notamment avec le développement de l’ambulatoire. « Cela permet un allégement de la prise en charge hospitalière et un meilleur confort pour les patients. Il faut que la e-santé soit équilibrée entre hôpital et hors hôpital », insiste-t-elle.
Pour Véronique Wallon « ces évolutions engendrent une révolution des métiers de la santé ». La création de valeur de la pratique médicale « va totalement se déplacer, estime-t-elle. Les métiers du médecin, du pharmacien et les autres professions de santé vont évoluer dans la pratique, mais aussi dans la nature du métier. Cela s’accompagnera d’une évolution de la notion de responsabilité, du fait de l’accès du patient à un ensemble de données de plus en plus vaste ».
Elle tient cependant à nuancer : « Le numérique ne fait pas tout : c’est un levier très important mais cela n’exonère personne des sujets éthiques, souligne-t-elle. Il faut notamment résoudre les questions du secret médical, de la balance prévention/soin, mais aussi de la transformation des pratiques en pratiques collectives qui nécessitent une fluidité des échanges entre professionnels de santé. »
Définir un cadre
C’est d’ailleurs tout l’enjeu de l’outil Zéro échange papier en Rhône-Alpes (ZEPRA), développé pour améliorer la sortie hospitalière. « L’objectif est de sécuriser un retour à domicile pour ne pas mettre les professionnels de santé dans une situation d’urgence », explique Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Grâce à cet outil, les pharmaciens peuvent récupérer l’ordonnance du patient avant sa sortie de l’hôpital et sont ainsi en mesure de commander les médicaments en amont. « Nous avons constitué un fichier pour que l’ensemble des pharmaciens de Rhône-Alpes, et demain d’Auvergne, puissent être connectés avec les centres hospitaliers afin de récupérer des informations sur leurs patients », indique-t-il.
L’autre projet en cours est d’équiper des pharmacies de milieu rural en outils de télémédecine « afin de permettre à des patients âgés ou fragiles de pouvoir se connecter à une consultation médicale grâce à un professionnel de santé de proximité, tout en restant dans leur village ».
Mais pour tous ces projets, « il faut fournir un cadre aux acteurs, afin que les données de santé circulent de manière régulée et sécurisée », estime Philippe Burnel, délégué à la stratégie des systèmes d’information de santé au ministère des Affaires sociales et de la Santé. Il insiste aussi sur l’importance de définir des règles d’accès au marché pour les objets numériques utilisés en santé. Quant au remboursement des prestations de télésurveillance, il promet une avancée sur ce dossier « d’ici à la fin de l’année 2016 ».