LES MÉDECINS seront-ils tenus de prescrire dans le répertoire des génériques ? Un amendement du PLFSS 2010 déposé par le rapporteur Yves Bur prévoyait cette contrainte pour le corps médical. Le texte avait recueilli, en première lecture, l'adhésion des députés et le soutien du gouvernement. Elle vient d'être écartée, dimanche dernier, par le Sénat. Pour les membres de la Haute Assemblée, la disposition n'est pas applicable en pratique. Une autre proposition de ce député UMP a, en revanche, été retenue par les sénateurs. Il s'agit de la possibilité pour un générique d'avoir la même forme et la même couleur que son princeps.
Avant que le Sénat se prononce, politiques et présidents de syndicats pharmaceutiques ont commenté les dispositions de ce nouveau PLFSS. C'était le week-end dernier, à Nice, lors du 5e Forum des pharmaciens. Le député Yves Bur était présent, comme trois autres de ses confrères. Selon lui, pour faire des économies, le plus efficace est de baisser le prix des médicaments. Des génériques, en particulier, qui sont au centre de quelques-unes de ses propositions. Le député plaide pour l'élargissement du répertoire de la substitution. « Les médecins doivent prescrire en fonction de la plus grande économie possible », insiste t-il. Le parlementaire se félicite au passage du « succès étonnant » des CAPI (contrats d'amélioration des pratiques individuelles). Selon lui, 11 000 contrats de ce type ont déjà été signés. Ce qui signifie que plus de 20 % des médecins libéraux y adhèrent à ce jour. Quant aux syndicats de pharmaciens, ils attendent de voir. « Signer un contrat, et l'appliquer, ce n'est pas la même chose », souligne Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO (Union des syndicats de pharmaciens d'officine). « Il est surprenant qu'on soit obligé de payer le médecin pour qu'il respecte le code de la santé publique », pointe pour sa part Claude Japhet, président de l'UNPF (Union nationale des pharmacies de France).
Opposition au contrôle par échantillonnage.
Autre point sensible du PLFSS, le taux de remboursement ramené de 35 à 15 % pour une centaine de médicaments à service médical rendu jugé faible ou insuffisant. Un taux intermédiaire sans justification, selon Yves Bur. « Si un médicament se destine à une pathologie, il doit être remboursé. Si c’est pour le bien-être, cela ne relève plus de l’Assurance-maladie », estime t-il. La députée PS, Catherine Lemorton, rejoint son collègue : « Pourquoi avoir créé ce taux de remboursement à 15 % sinon pour faire payer aux mutuelles le ticket modérateur ? Si un médicament n'est plus considéré comme efficace, elles n'ont pas, elles non plus, vocation à le rembourser. » Pour Jean-Luc Preel, député Nouveau Centre, il vaudrait mieux, plus simplement, dérembourser les médicaments jugés non efficaces (et instituer un taux de remboursement à 0 %). Côté officinaux, Gilles Bonnefond estime que la Mutualité française doit adopter un discours clair. « Elle ne peut pas dire qu'elle va augmenter les cotisations et, dans le même temps, envisager de ne rien rembourser », argumente t-il.
L'opposition syndicale est unanime contre l'article 54 du projet de loi, qui prévoit le contrôle des professionnels de santé par échantillonnage. Il est jugé « inacceptable » par Philippe Gaertner, président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Pour Claude Japhet, s'il y a eu des fraudes de la part de pharmaciens, « l'Assurance-maladie a toujours récupéré les indus, sans toujours apporter la preuve derrière. »
La Sécu en concurrence.
Globalement, les participants jugent sévèrement le projet de financement de la Sécu pour 2010, déjà passé entre les mains des députés et des sénateurs. Catherine Lemorton estime que, à force de pression économique sur le médicament, il devient toujours plus difficile d'accès pour la population. « C'est un PLFSS pour rien. Nous ne sommes pas allés assez loin. Il faudrait, par exemple, taxer les stocks options », défend la députée. Autre proposition, celle de Jean-Luc Preel, l'augmentation de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) « Une hausse de 0,2 %, invisible sur la feuille de paie, aurait permis de résoudre le déficit de cette année », souligne M. Preel. Son collègue, Jean-Marc Roubaud (UMP) amorce pour sa part une solution plus libérale : « Il y a d’autres leviers d’action pour faire des économies. Pourquoi n'ouvre t-on pas la Sécurité sociale à la concurrence ? ». Pour lui, « l’économie de l’officine est en danger. Le PLFSS ne règle rien. Il faut changer l’appréhension du médicament, qui ne représente pas seulement un coût social ».
De son côté, Yves Bur espère que la loi HPST va permettre de mieux structurer l'offre de soins, avec notamment la distribution du médicament au sein des établissements pour personnes âgées. À ce sujet, Philippe Gaertner s'insurge contre l'article prévoyant la gestion d'une PUI (pharmacie à usage intérieur) par des groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS). « Des officines de petite et de moyenne taille en seront impactées », prévoit-il. Le président de la FSPF rappelle que 30 % des officines sont aujourd'hui en trésorerie négative. « Sur deux milliards d'économies recherchés chaque année, un milliard est porté par le médicament, qui compte pour 15 % des dépenses. À un moment donné, toutes ces mesures directes ou indirectes pèseront trop lourd sur notre économie », avertit Philippe Gaertner.