On savait les Français attachés à leur pharmacien. Cette cote d’amour est doublée d’un capital confiance comme en témoignent les résultats du sondage Avenir Pharmacie réalisé par Opinion Way et Satispharma à la veille du salon Pharmagora*. Le pharmacien est considéré par plus de 7 Français sur 10 comme un professionnel de santé et 63 % d’entre eux affirment qu’il est plus accessible que le médecin ou l’infirmière.
C’est donc en toute logique que 88 % d’entre eux se disent prêts à leur confier leur orientation en cas d’urgence (rôle de gate keeper), et dans une même proportion la gestion de leurs données de santé. Le pharmacien est en effet jugé comme un acteur de santé à part entière, susceptible de se substituer au médecin traitant pour mener un entretien de premier recours avant une orientation éventuelle vers les urgences. Les patients le considèrent également compétent pour délivrer des médicaments sous ordonnance en cas d’urgence (82 %) et prescrire des médicaments pour des maladies bénignes (74 %). Une majorité (67 %) souhaite par ailleurs qu’il soit autorisé à effectuer les rappels de vaccination (diphtérie, tétanos, polio…).
Le pharmacien est aussi attendu dans la prévention grâce à des dépistages qu’il devrait être habilité à pratiquer à l’officine. Plus de la moitié des 75 % des Français qui y sont favorables serait d’ailleurs prête à payer 15 euros pour cet acte. « Il existe désormais plusieurs axes sur lesquels le pharmacien peut intervenir dans le parcours patient », a conclu Alain Delgutte, président de la section A du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, lors de la présentation de ces chiffres. Il en a d’autant plus la légitimité qu’il est armé pour relever ces défis. De par sa formation, comme le rappelle Robin Ignasiak, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) et grâce à l’avenant 11 de la convention signé en juillet dernier, qui « positionne le pharmacien dans le camp du patient », comme le résume Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Un encadrement nécessaire
En phase avec leurs patients sur l’ensemble de ces missions qui pourraient leur être confiées, les pharmaciens - dont 78 % déclarent vouloir mettre en œuvre le bilan de médication - ne manifestent pas moins une certaine inquiétude face à l’avenir. Car s’ils sont prêts à jouer ces nouveaux rôles, plus d’un tiers d'entre eux considère que l’année 2018 sera pire que 2017.
La réalisation de leurs vœux et ceux de leurs patients reste en effet liée au bon vouloir des autorités. Car, comme n’a pas manqué de le rappeler Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), dans un système à réinventer, « ces services par les pharmaciens ne pourront être mis en œuvre que s’ils sont autorisés et encadrés de bonnes pratiques ». Des réserves également émises par Fabrice Camaioni, président de la commission exercice professionnel à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), au regard du destin qu’ont connu certaines expérimentations, comme le dépistage du cancer colorectal mené par les pharmaciens du Finistère. En dépit de leur succès, ils n'ont jamais été repris par les pouvoirs publics.
* Sur la base d'interviews menées en pharmacie du 21 février au 6 mars 2018 auprès de 1 001 personnes et 414 titulaires d'officine.