QUINZE ANS HIER, dix ans aujourd’hui, cinq ans demain. Le temps qui s’écoule entre la découverte d’un médicament et sa présentation par un visiteur médical va s’amenuisant. Cette période exigée avant la mise sur le marché n’en ressemble pas moins à un chemin de croix. La raison : les chercheurs doivent démontrer que la nouvelle entité chimique constitue bien un progrès thérapeutique. Une démonstration qui nécessite un nombre vertigineux de documents. « Le nombre croissant de guide lines, qui compliquent le développement, suffirait à remplir une pleine pièce », explique Patrick Errard, président du LEEM (Les entreprises du médicament). Et justifie que les laboratoires pharmaceutiques testent de plus en plus de nouvelles molécules. « De 500 par an, nous en sommes aujourd’hui à 60 000 », précise Patrick Errard. Un premier écrémage rendu possible grâce à des techniques de plus en plus perfectionnées, comme le screening, qui consiste à soumettre les molécules candidates à toute une série de tests de triage pour ne retenir que celles présentant des propriétés intéressantes ; ou encore la modélisation moléculaire, qui permet d’analyser la structure d’un récepteur et son schéma moléculaire afin d’imaginer la représentation spatiale la plus appropriée.
Une fois passée cette « présélection », commence alors la longue marche du candidat médicament. Un chemin semé d’embûches, au cours duquel il devra faire la preuve scientifique de son efficacité et de son innocuité lors de toute une batterie d’essais cliniques. Une démonstration qui passe d’abord par une série d’expérimentations sur l’animal pour établir sa pharmacotoxicité. La raison ? « Il n’est pas pensable de mesurer directement sur l’homme l’efficacité d’un produit, dont nul ne connaît véritablement encore les risques qu’il fait courir et la capacité de l’organisme à le transformer », indique le président du LEEM.
Les phases d’évaluation.
Si les résultats de cette phase préclinique ont été jugés favorables, les molécules entrent en phase I afin d’en déterminer la tolérance globale. Ils sont alors testés sur des volontaires sains qui, moyennant indemnisation, sont « hospitalisés » dans des centres agréés de pharmacologie clinique. Pour certains domaines thérapeutiques, tels la cancérologie ou le sida, les candidats médicaments doivent cependant être testés sur des malades. Seulement 10 % des produits testés en phase I seront mis sur le marché. Une fois cette étape franchie, au cours de la phase II, l’efficacité du produit sera vérifiée et les meilleures modalités d’administration, y compris la posologie, seront déterminées sur des malades atteints de l’affection en question. Enfin, arrivera l’heure du rapport bénéfice risque. Pendant cette phase III, qui porte généralement sur plusieurs milliers de patients, « ou sur quelques centaines lorsque la pathologie est bien ciblée », précise Patrick Errard, l’effet thérapeutique du nouveau produit et ses effets indésirables les plus fréquents seront jugés. Comment ? « Par des études en simple ou double aveugle - selon que le médecin traitant est ou non dans la confidence - par rapport à un autre traitement ou à un placebo. »
Ce sont les résultats de tous ces essais qui composeront le dossier d’AMM. Un dossier à partir duquel l’agence européenne du médicament (EMEA) jugera de la qualité pharmaceutique du produit, de son efficacité et de sa sécurité, au regard des effets secondaires. Une décision rendue au terme d’une année, le temps que les comités scientifiques rendent leurs avis (de 169 à 189 jours), que ceux-ci soient transmis à la Commission dans les onze langues officielles (environ 30 jours) et que cette dernière prenne sa décision (70 jours en moyenne). Le parcours du combattant ne s’arrête cependant pas là. Il reste encore au médicament à obtenir son prix. Ce rôle stratégique incombe au Comité économique des produits de santé, qui s’appuie sur l’avis de la Commission de transparence.