LE PARCOURS de Robert Edwards ressemble à une course de haies. Le chercheur britannique a résolu obstacle technique après obstacle technique, avant de voir naître le premier bébé conçu par fécondation in vitro (FIV). L’idée d’améliorer la reproduction humaine lui vient de ses années passées à étudier la physiologie de la fécondation animale sur les bancs de l’université du pays de Galles et de la faculté d’Édimbourg. Une fois son doctorat obtenu en 1955 avec une thèse sur le développement embryonnaire chez la souris, il s’installe à Londres et se consacre au développement d’une méthode visant à améliorer la fertilité humaine.
La première difficulté à laquelle il est confronté est d’obtenir des ovocytes suffisamment matures pour la FIV. Après dix ans de recherche, en 1965, il découvre que la maturation des ovocytes humains nécessite vingt-quatre heures de culture, et non pas quelques heures comme chez l’animal. Il définit donc une méthode de maturation et obtient ainsi in vitro des ovocytes en métaphase de méiose II, c’est-à-dire à un stade de développement avancé. Il met également au point un milieu de culture favorable au sperme. En 1969, une étape cruciale est franchie : la première fécondation in vitro est obtenue avec du sperme activé.
Une maturation in vivo.
Malheureusement, l’ovocyte fécondé ne franchit pas le stade des deux cellules. Edwards attribue ce phénomène à la trop longue période passée ex vivo et décide alors d’utiliser des ovocytes ayant suivi le processus de maturation in vivo. Il fait le postulat suivant : s’il est possible de recueillir des ovocytes humains matures avant l’ovulation, ces ovocytes seraient plus performants pour la FIV et entameraient un développement embryonnaire précoce. Là encore, il se sert d’un résultat obtenu précédemment chez la souris : l’entrée en méiose des ovocytes avait pu être déclenchée par l’injection de gonadotrophine.
Jusqu’à la fin des années 1960, la seule méthode permettant le recueil des ovocytes était chirurgicale et supposait l’exérèse d’un fragment ovarien. Edwards s’est alors intéressé à une « nouvelle technique », la laparoscopie. Un obstétricien talentueux, Patrick Steptoe, parvient même à aspirer des ovocytes dans l’ovaire… Les deux hommes se rencontrent et collaborent. En 1970, il leur est possible de recueillir chez des femmes stériles des ovocytes en métaphase de méiose II après stimulation par gonadotrophines. En 1971, une nouvelle étape, Edwards et Steptoe arrivent à féconder in vitro des ovocytes ainsi recueillis par du sperme activé. Des embryons au stade des seize cellules et des blastocystes sont alors obtenus pour la première fois.
Le transfert d’embryons.
Toutefois, le transfert d’embryons se solde par des fausses couches précoces. Après plus d’une centaine d’échecs, ils soupçonnent les traitements hormonaux de maturation d’empêcher l’implantation de l’embryon dans l’utérus. Après un changement de protocole non concluant, ils décident d’abandonner la stimulation ovarienne et de se contenter du cycle menstruel naturel de la femme. En juillet 1978, leur ténacité est récompensée, le premier bébé conçu par FIV, Louise Brown, voit le jour. Edwards et Steptoe fondent alors la Bourn Hall Clinic à Cambridge, le premier centre de FIV dans le monde. Plus de 4 millions d’enfants sont nés par cette méthode à travers le monde. Et les premiers « bébés-éprouvette », comme Louise Brown, sont pour certains parents à leur tour…
La procréation médicalement assistée concerne des millions d’enfants. Elle est à l’origine chaque année dans le monde d’environ 250 000 naissances. En France, plus de 53 000 procédures sont entreprises chaque année, pour 11 184 naissances, soit une évolution de 5 % par rapport à l’an 2000. Il existe de fortes disparités entre l’Europe occidentale, par exemple, et les pays en développement, mais même en Europe. Ainsi, environ 2 % des enfants sont nés par PMA en France, et 5 % au Danemark…