ENTRETIENS pharmaceutiques sur les AVK ou l’asthme, test de dépistage rapide, renouvellement de prescription de pilule, programmes d’éducation thérapeutique… Depuis la loi HPST, les pharmaciens peuvent initier de nouveaux services à l’officine. Avec plusieurs objectifs à la clé. Ces missions visent à améliorer la santé du patient, à désengorger les cabinets médicaux et à faire réaliser des économies à la Sécurité Sociale. De plus, pour le pharmacien, elles sont un moyen d’être reconnu pour sa compétence professionnelle. L’officinal devient alors un « coach du médicament », et non plus un simple dispensateur de produits de santé.
Redorer son caducée.
Un avis que partage Nicolas Mimoun. Ce pharmacien adjoint à Maule (Yvelines) a pris en charge la dispensation des contraceptifs à l’officine. Dans un reportage réalisé à l’occasion des États généraux du pharmacien adjoint d’officine, il évoque la valeur ajoutée du pharmacien sur ce sujet : « que ce soit pour les renouvellements de contraceptifs oraux, mais aussi en cas de primo prescription, d’oubli de pilule, etc. les conseils et le suivi du pharmacien sont toujours bienvenus. Et notre image de professionnel de santé est redorée », avance-t-il.
Même constat pour Denis Cassaing, pharmacien adjoint à Auch (Gers), qui a mis en place des entretiens d’éducation thérapeutique à l’officine pour les patients diabétiques. « Pour cela, nous avons créé en 2011 l’association Eduphar, à laquelle adhèrent 52 des 80 pharmacies du Gers. Cette opération soutenue par l’ARS Midi-Pyrénées, remporte un succès franc et massif : la santé des participants est visiblement améliorée. Et cette démarche a renforcé la réputation de sérieux et de qualité de notre officine, tant auprès des patients que des autres professionnels de santé », se réjouit Denis Cassaing, lors des États généraux du pharmacien adjoint.
Un rôle d’aiguilleur.
Autre exemple, celui de Maxime Nowak, pharmacien adjoint en Ile-de-France, qui s’est lancé, avec l’appui du titulaire, dans la réalisation de tests de diagnostic rapide des angines à streptocoques. Le jeune homme souligne le rôle d’aiguilleur du pharmacien : « en cas de suspicion d’angine à streptocoque, nous expliquons et proposons le streptotest au patient. Celui-ci se réalise en quelques minutes dans un espace de confidentialité, après un prélèvement oropharyngé. Selon le résultat on conseille des médicaments pour soulager les symptômes (test négatif) ou on oriente le malade vers son médecin pour une prescription d’antibiotiques ». Et la mission est loin d’être inutile : « sur huit tests réalisés cette année, un seul a été positif et a conduit à une consultation médicale », rapporte-t-il.
Les entretiens AVK plébiscités.
En ce qui concerne les entretiens AVK, le succès - de plus grande ampleur cette fois-ci - est également au rendez-vous : une étude de la CNAM montre qu’un an après leur légalisation, 63 % des officines ont mis en place ce dispositif et plus de 160 000 entretiens ont été réalisés. « Ces entretiens permettent au patient de mieux connaître leur traitement, d’autant plus que certains ne savent même pas pourquoi ils prennent des antivitamines K et ignorent tout de la coagulation ! », avance Sophie Conan, co-titulaire à Missillac (Loire-Atlantique), qui s’est lancée dans l’aventure depuis le début. Les patients reconnaissent eux aussi l’intérêt de ce programme : la majorité a pris conscience de l’importance du suivi et de la surveillance de l’INR. De plus, 92 % (des patients comme des pharmaciens) sont prêts à poursuivre ces entretiens pharmaceutiques.
Une rémunération pas à la hauteur.
Cependant, l’enjeu financier pour le pharmacien n’est pas encore à la hauteur : la rémunération est de 40 euros pour deux entretiens annuels par patient pour les entretiens AVK ou Asthme. Elle est inexistante -ou pas encore déterminée- pour les autres missions. Et c’est là ou le bât blesse : « nous avons beaucoup de travail au comptoir et en back-officine. Or ces nouvelles missions sont chronophages. Pour pouvoir consacrer le temps nécessaire à ces entretiens, il nous faudrait embaucher une personne supplémentaire. Ce qui n’est pas envisageable sans financement adéquat », regrette Sophie Conan. En plus, la rémunération prévue par l’assurance-maladie a été versée très tardivement pour les entretiens AVK réalisés, ce qui n’a pas poussé la pharmacie de Missillac à poursuivre dans cette voie.
En ce qui concerne les services pharmaceutiques non rémunérés par l’assurance-maladie, ceux-ci peuvent parfois être pris en charge par certaines mutuelles, ou par les ARS dans le cadre de projets d’éducation thérapeutique (comme c’est le cas du projet de Denis Cassaing), ou finalement, ils restent à la charge du patient (comme les streptotests de Maxime Nowak)... Ou du pharmacien.
Par ailleurs, se lancer dans les nouvelles missions pharmaceutiques demande des convictions et de l’investissement personnel. Une formation est nécessaire à la mise en place de chaque nouvelle mission, et il faut de l’énergie pour convaincre les médecins et les patients - souvent pas ou mal informés- de l’intérêt que présente pour eux ces programmes. Le chemin est encore long avant que ces nouveaux services intègrent le quotidien des officinaux.