À QUOI SERT la concurrence ? Telle est la question a laquelle ont répondu (dans un ouvrage édité par la revue « Concurrences ») plus de 100 contributeurs, dont Charles Beigbeder, François Hollande, Michel Sapin, mais aussi… Isabelle Adenot, qui s’est exprimée spécifiquement sur la concurrence dans le monde de la pharmacie. L’intervention de la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens aborde en premier lieu l’importance de la concurrence dans les professions réglementées : la concurrence a « depuis toujours fait prospérer les cabinets, les offices ou officines les plus inventifs, les plus dynamiques. C’est la concurrence qui élimine ceux qui n’apportent pas à leurs clients le meilleur rapport qualité prix ». Néanmoins, Isabelle Adenot souligne que « les professions réglementées ne s’identifient pas d’abord, ni seulement, à une entreprise exerçant une activité qui se réduirait à une pure finalité économique ». Et c’est encore plus vrai pour les pharmaciens, qui exercent leur art dans un marché bien particulier : celui du médicament, qui « peut servir ou nuire selon la manière dont il est dispensé ». Ainsi, la relation de confiance et la sécurité sont primordiales.
La déontologie avant tout.
L’objectif premier du pharmacien n’est pas d’assurer la vente à tout prix. « Le consommateur-patient n’est pas un « panier » doublé d’un porte-monnaie. La question n’est pas de lui vendre un maximum de médicaments à bas prix », martèle Isabelle Adenot, qui s’interroge de ce qu’on « penserait d’un pharmacien qui vendrait des services ou des médicaments rentables pour lui mais inutiles ou nuisibles aux personnes ? ». C’est pour cela que, même si la pharmacie se situe dans le monde de la concurrence, il faut garantir le respect des droits et des intérêts fondamentaux des personnes. En ce sens, il existe une réglementation encadrant la profession par un Ordre, qui veille notamment au respect du devoir des professionnels.
Une législation pharmaceutique exigeante.
Ce respect de la déontologie implique également le respect de règles strictes concernant la publicité ou la sollicitation de la clientèle. Des règles qui sont d’ailleurs « considérées par certains comme des freins à la concurrence », évoque Isabelle Adenot : le pharmacien « ne peut faire de publicité pour des discounts comme il s’en pratique dans d’autres commerces », ce que déplore l’Autorité de la concurrence. Il ne doit pas y avoir, par exemple, de promotions telles que « deux boîtes - de médicaments, N.D.L.R.- pour le prix d’une » en pharmacie, car cela « ne saurait correspondre à une déontologie de santé publique », commente la présidente de l’Ordre. Ces règles sont posées par des textes au bénéfice du patient, qui doit être « préservé de techniques commerciales agressives qui l’inciteraient à une consommation excessive des médicaments ».
Dans le cadre de cette législation exigeante, la concurrence n’est pas, pour autant absente. Elle apporte même des bienfaits. « Les patients ont le libre choix de leur officine. Et elles sont nombreuses… », rappelle Isabelle Adenot. Mais la concurrence ne s’effectue pas uniquement sur les prix, loin de là. Le patient recherchera sans doute plutôt le bon pharmacien, que le pharmacien le moins cher. Et l’évolution de la législation (avec la loi HPST du 21 juillet 2009) va dans ce sens, en attribuant au pharmacien de nouvelles missions : contribuer aux soins de premier recours, participer à la coopération entre professionnels de santé. Au-delà, il leur est possible de faire de l’éducation thérapeutique du patient (suivi AVK, etc.), etc. « Autant de missions qui relèvent d’un choix personnel d’exercice… donc de concurrence. Un exercice diversifié, de qualité et éthique est assurément le meilleur argument concurrentiel pour le pharmacien » conclut la présidente de l’Ordre.