SI L’ON RECENSE toute la littérature internationale parue ces dix dernières années sur les génériques, on se rend compte que seulement la moitié des études démontre clairement une économie réalisée grâce aux génériques, souligne le Pr Nikos Maniadakis, professeur de santé publique à Athènes. Il faut pour cela, selon lui, que les génériques s’intègrent dans une politique de santé globale et bien conçue. Il n’existe pas de lien entre hyperréglementation et baisse des dépenses de santé, pas plus qu’entre baisse des prix systématique et diminution des dépenses. Plusieurs pays ont en effet lancé de véritables courses à la baisse des prix, notamment la Slovaquie, les pays scandinaves et, dans une moindre mesure, l’Allemagne, dont les systèmes de Sécurité sociale achètent désormais des grandes quantités de médicaments par lots centralisés après des appels d’offres, ce qui permet de faire baisser très rapidement leurs prix. Mais ces baisses ont un coût : au-delà d’un certain stade, elles favorisent les positions de monopole et finissent par faire remonter les prix, tout en aggravant les ruptures de stock.
Par ailleurs, souligne le Pr Diana Brixner, pharmacologue et économiste à l’université de l’Utah aux États-Unis, les baisses de prix sont compensées par des augmentations de dépenses dues à différents facteurs : chaque fois qu’un traitement est changé pour des raisons économiques, un certain pourcentage de patients cesse de le prendre en affirmant ne pas le supporter. En outre, les changements de traitements favorisent les confusions et les erreurs, y compris à l’hôpital et malgré les logiciels de prescriptions. Selon elle, comme pour de nombreux chercheurs, ce ne sont pas les génériques qui constituent le problème, mais le changement de traitement, surtout s’il est fréquent comme c’est le cas avec les politiques d’appels d’offres fréquemment renouvelés.
L’acceptation ou le refus des génériques dépend souvent de facteurs totalement étrangers à la pathologie traitée, dont la catégorie socioculturelle du patient, mais, finalement, les échecs comme les réussites des politiques de génériques sont à imputer aux trois partenaires du système à la fois : les professionnels de santé, les organismes de Sécurité sociale qui mènent ces politiques, et bien sûr les patients eux-mêmes. De très nombreuses études, analyses et prospectives sont menées de par le monde dans les écoles et universités de santé publique mais, regrettent les experts en politique de santé, « les responsables politiques nous consultent beaucoup trop rarement et éviteraient sûrement bien des déboires s’ils évaluaient mieux leurs actions avant de les lancer ».