Une minorité de fumeurs consomme peu et de façon intermittente : ces patients ne sont pas dépendants à la nicotine et ne présentent pas non plus d'addiction comportementale. Bien qu'ils se croient à l'abri, des études ont montré qu'ils encouraient des risques importants sur le plan cardiovasculaire. Pour preuve, même ceux qui ne fument pas mais sont soumis au tabagisme d'un proche (tabagisme passif) encourent un risque cardiovasculaire accru de 25 à 30 %. « Pour autant, ces petits consommateurs intermittents ont un avantage sur les gros fumeurs : ils peuvent facilement s'arrêter de fumer, mais encore faut-il leur expliquer pourquoi ils ont intérêt à le faire, et vite », précise le Pr Daniel Thomas (hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris).
La simple réduction est insuffisante
Autant le gain en termes de réduction du risque cardiovasculaire se fait rapidement sentir en cas d'arrêt total et si possible précoce, autant les bénéfices d'une réduction du tabac, sans arrêt total et définitif, sont très modestes. « Chez le fumeur, trois mécanismes concourent à la formation d'un caillot susceptible de boucher une artère coronaire ou cérébrale : l'activation des plaquettes sanguines, la perte de la capacité de l'artère à se dilater et la déstabilisation de la plaque d'athérome qui finit par se fissurer. Or, il n'y a pas besoin de fumer beaucoup pour déclencher ces trois mécanismes. Il s'ensuit une relation non linéaire entre tabagisme et évènements cardiovasculaires. C'est d'ailleurs pourquoi une simple réduction de la consommation n'est pas suffisante pour diminuer significativement le risque d’événements cardiovasculaires mortels et non mortels », insiste le Pr Thomas.
Cela est très bien étayé par plusieurs études prospectives réalisées chez des patients non coronariens : « À l'exception d'une étude israélienne, une réduction de la consommation du tabac, même lorsqu'elle est supérieure à 50 %, n’entraîne aucun effet significatif sur la mortalité ou la morbidité cardiovasculaire, alors que ces mêmes études montrent une réduction significative de la mortalité et/ou des événements cardiovasculaires chez les fumeurs ayant totalement arrêté de fumer ».
Objectif arrêt total
« En réduisant le nombre de cigarettes fumées, le patient absorbe un peu moins de monoxyde de carbone et voit donc sa capacité à transporter l'oxygène légèrement augmenter. En revanche, s'il est dépendant, il tire davantage sur la cigarette pour avoir sa dose de nicotine (il inhale donc davantage de fumée et donc de composés toxiques), de sorte que sa réduction du tabac reste très relative. Pour pallier ce problème, il a tout intérêt à prendre des substituts nicotiniques à dose suffisante (gare au sous dosage, fréquent) et à aller jusqu'au bout du sevrage. La réduction ne peut être une fin en soi, mais une voie vers l'arrêt définitif », conclut le Pr Thomas.
Entretien avec le Pr Daniel Thomas, ancien chef du service de cardiologie de l'Institut de cardiologie. Hôpital de La Pitié-Salpêtrière (Paris).