Le Quotidien du pharmacien.- Pourquoi organisez-vous E-ADD, un congrès virtuel sur les addictions ?
Dr William Lowenstein.- Le format digital apporte de la souplesse aux professionnels de santé. De fait, ils peuvent soit assister au congrès en direct chez eux, dans leur bureau, dans les transports en commun… Soit, le visionner en différé, à l'endroit et au moment qui leur convient, pendant deux mois. L'année dernière, la 2e édition de ce e-congrès a été un succès : il a permis de rassembler plus de 2 000 participants et 10 000 sessions ont été consultées. Il est essentiel que les nouvelles générations de professionnels de santé - médecins généralistes et pharmaciens, notamment - soient bien informées au sujet des médicaments de substitution aux opiacés, des médicaments de modération de consommation de l'alcool, du dépistage du VHC, des moyens d'arrêter le tabagisme… Le généraliste ne doit pas se substituer à l'addictologue mais il doit savoir prescrire certains médicaments et répondre aux questions des patients sur les addictions. De même, le pharmacien doit délivrer un conseil éclairé sur le sujet à sa patientèle. Nous ne pouvons plus rester entre addictologues : nous devons former les autres professionnels de santé pour anticiper le risque de pénurie de prescripteurs et de dispensateurs, dans le domaine des addictions.
Ce e-congrès s'intitule « Médecine, santé des addictions et réductions des risques ». Quel en est le programme ?
Nous avons failli l'appeler « Nouveau monde, nouveaux visages et nouveaux paradigmes artificiels ». Et cela, pas uniquement pour le jeu de mots baudelairien, mais pour souligner que nous avons dépassé les dogmes de l'abstinence à tout prix et de la morale qui sont contre-productifs. Nous souhaitons que la prise en charge des addictions ait pour objectif la réduction des risques. L'une de nos sessions est dédiée à cette problématique en médecine générale. D'autres sessions évoquent les stratégies de réduction des risques liés à l'alcool, au tabac et aux opiacés. Par ailleurs, le spectre des addictions s'est élargi : la question de l'addiction comportementale aux écrans et aux jeux fait, par exemple, l'objet d'une session à part entière. Nous traiterons également de sujets d'actualité tels que le cannabis thérapeutique. Pourquoi serions-nous un des derniers pays à ne pas pouvoir en disposer ? Sa prescription encadrée pourrait notamment permettre de réduire la consommation de certains médicaments trop prescrits, tels que les somnifères, les tranquillisants ou les antidépresseurs et les antidouleurs opioïdes. Enfin, d'autres conférences seront dédiées à la prise en charge de l'hépatite C, à l'usage de substances psychoactives au travail, à l'addiction chez l’adolescent et dans les DOM TOM.
En France, entre 2006 et 2017, la prescription d'opioïdes forts a augmenté d'environ 150 %. Dans un rapport récent, l'ANSM observe une augmentation du mésusage, des intoxications et des décès liés à l'utilisation de ces médicaments. Quel est le rôle du pharmacien face au patient douloureux chronique, devenu dépendant aux opioïdes ?
La prise en charge d'un patient douloureux, dépendant aux opioïdes est complexe. Le pharmacien ne peut pas travailler seul. Il doit échanger régulièrement des informations au sujet du patient avec le médecin généraliste et éventuellement, un addictologue. Aider un patient à sortir de la dépendance pharmacologique ne peut se faire que dans le cadre d'un travail en réseau.
De façon plus générale, quelles actions peuvent mettre en place les officinaux pour prévenir la dépendance et réduire les risques liés aux addictions ?
Nous avons invité deux pharmaciens pour répondre à cette question. Mme Augé-Caumon (co-auteure d'un rapport du Conseil économique social et environnemental sur les addictions au tabac et à l'alcool) expliquera pourquoi et comment les pharmaciens doivent jouer un rôle clé en termes de santé publique, dans le domaine des addictions. Quant à M. Maarek, qui a développé la réduction du risque lié aux addictions en milieu officinal durant les années sida, il évoquera le rôle du pharmacien dans l'entretien motivationnel avec le patient. En effet, la grande proximité de l'officinal avec ses patients est un bon moyen d'ouvrir le dialogue sur les addictions et de les orienter, si nécessaire, vers une prise en charge adaptée.
Pour suivre le congrès : www.ivmhealth.com/e-add2019