Les traitements de l’infection chronique par le VIH ont fait de considérables progrès depuis 1987, année de l’utilisation du premier antirétroviral, la zidovudine. C’est à une passionnante rétrospective des évolutions successives, et de leurs ressorts intimes, de la prise en charge de cette pathologie qu’Anne-Marie Taburet (pharmacien à l’hôpital Bicêtre, Paris) a convié l’assistance.
La zidovudine en monothérapie
C’est ainsi qu’après la première étape, représentée par la zidovudine, utilisée alors en monothérapie (250 mg, 6 fois par jour, incluant donc des prises nocturnes), a succédé au début des années quatre-vingt-dix la mise à disposition de deux autres analogues nucléosidiques (didanosine et stavudine) inhibiteurs de la transcriptase inverse. La possibilité de faire les premières bithérapies visait alors à diminuer la vitesse d’échappement de l’infection par l’émergence de résistances.
Un premier grand tournant intervint en 1995 avec l’arrivée d’autres inhibiteurs nucléosidiques et la mesure de la charge virale plasmatique (ARN-VIH) et un second l’année suivante, d’importance considérable, avec le début de l’ère des trithérapies et la découverte de produits très puissants représentés par les inhibiteurs de protéase ainsi que par les inhibiteurs non nucléosidiques. Mais, pour l’heure, les prises quotidiennes nécessaires étaient encore nombreuses et la tolérance parfois médiocre, entraînant de fréquents accidents d’observance.
Aujourd’hui, une vingtaine de molécules antirétrovirales appartenant à 5 classes thérapeutiques est disponible et le développement de combinaisons de plusieurs molécules de classes différentes au sein d’un même comprimé ou d’une même gélule permet parfois de réduire le traitement à une seule prise par jour. L’objectif du traitement demeurant, pour l’instant, d’obtenir une charge virale indétectable se maintenant dans le temps, en l’absence de possibilité d’éradication complète du virus, réfugié dans divers « réservoirs » cellulaires.
Des innovations multiformes
Ainsi que l’a détaillé Anne-Marie Taburet, les trois piliers de l’innovation au service de l’efficacité thérapeutique sont représentés par la puissance intrinsèque des molécules antirétrovirales, les paramètres pharmacocinétiques (à l’origine d’une haute concentration au niveau des sites d’activité) et les facteurs favorisant l’adhésion au traitement (tolérance, facilité de prise).
Parmi les progrès réalisés, citons le développement de prodrogues (permettant une seule prise par jour), l’amélioration de la biodisponibilité et l’allongement de la demi-vie des antiprotéases par l’association à un inhibiteur de cytochrome (ritonavir et plus récemment cobicistat, qui expose à moins d’interactions médicamenteuses), la mise à profit de la pharmacogénétique (pour diminuer chez certains patients la posologie et donc les effets indésirables, comme pour l’éfavirenz et l’abacavir), de nouvelles combinaisons et le développement de formes galéniques améliorant la tolérance digestive et permettant la conservation de certains produits à température ambiante.
La recherche continue
De nouvelles molécules antirétrovirales sont en cours de développement, parmi lesquelles le fostemsavir (un inhibiteur d’entrée se fixant sur la protéine virale gp-120), le bictégravir (un nouvel inhibiteur de l’intégrase) ainsi que des formes injectables de nanosuspensions à longue durée d’action autorisant une seule injection mensuelle voire bimestrielle.