Le Suisse Jacques Dubochet, 75 ans, l'Américain Joachim Frank, 77 ans, et le Britannique Richard Henderson, 72 ans, ont été récompensés pour avoir mis au point la cryo-microscopie électronique.
Révolutionnaire, le procédé permet d'étudier des échantillons biologiques (virus, protéines, enzymes) sans attenter à leurs propriétés, comme cela se produit avec la microscopie électronique conventionnelle. En effet, cette dernière oblige à déshydrater, voire colorer les échantillons avant de les exposer à des faisceaux d’électrons, ce qui altère les produits à observer et donc la qualité des images.
Mais tout va changer au début des années 1980, lorsque Jacques Dubochet et ses équipes mettent au point la cryo-microscopie électronique. Grossièrement, cette technique consiste à baisser très rapidement la température des échantillons biologiques sous forme hydratés dans de l’éthane liquide (-160 °C), de manière à les vitrifier. Autrement dit, les éléments ne sont pas congelés, mais figés dans un état ni gelé, ni liquide. Cette technique de préparation ne nécessite ni colorant ni fixateur chimique. Les échantillons ne sont pas dénaturés et, au final, l'image tridimensionnelle des molécules gagne beaucoup en résolution.
Si Jacques Dubochet est l’inventeur du procédé, les deux autres scientifiques primés ont travaillé sur le rendu final du microscope. En 1990, Richard Henderson a été le premier à produire une image 3D d'une protéine en très haute résolution. Joachim Frank a ensuite perfectionné cette technique et l'a rendue plus facile à utiliser.
D’Alzheimer à Zika
Les applications, particulièrement dans la santé, sont nombreuses. La cryo-microscopie électronique aide à comprendre comment fonctionne la mécanique moléculaire : dans certains cas, elle a permis de « mettre un grain de sable au bon endroit pour enrayer certaines machines moléculaires qui font fonctionner des bactéries pathogènes et des virus », souligne Rémy Fronzes, spécialiste de la cryo-microscopie électronique. À l’inverse, cela peut permettre de tenter de « réparer des machines cellulaires qui sont déficientes, entraînant des maladies », poursuit le chercheur.
L'an dernier, la cryo-microscopie électronique a permis de percer la structure 3D de l'enzyme qui contribue à la formation des plaques amyloïdes, lésions cérébrales caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. « Connaître cette structure permet d'espérer la mise au point d'un médicament », estime John Hardy, professeur de neurosciences à l'université catholique de Louvain. De plus, la technique est utilisée pour étudier le virus de sida, ou des protéines impliquées dans le cancer.
Ce prix Nobel est aussi lié à l’actualité. En effet, le cryo-microscope électronique a permis de révéler la structure 3D du virus Zika, et de lancer des recherches ciblées de traitements et de vaccins. Enfin, la technique est très intéressante pour comprendre comment les médicaments entrent dans nos cellules et en sont parfois chassés. « Elle pourrait aider à fabriquer des molécules capables d’agir plus longtemps et mieux », relève Rémy Fronzes.