« LE SIDA a modifié l’histoire en changeant la structure de la hiérarchie et de l’autorité. Pour la première fois, une pathologie tenait le médecin en échec », rappelle le sociologue Philippe Urfalino, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. La médecine perd son aura, les crises sanitaires se succèdent, les malades n’ont plus confiance. Un élément pourtant essentiel à l’observance. Le pharmacien a dès lors un rôle à jouer qui dépasse la dispensation de médicaments. « Nous sommes confrontés au problème de transfert de compétences. Les médecins ne cessent de dire qu’ils n’ont le temps de rien, mais ils refusent le transfert de tâches vers d’autres professionnels de santé », remarque Jean-Luc Préel, député de Vendée (Nouveau Centre), vice-président de la Commission des affaires sociales et lui-même médecin hospitalier. Pour lui le constat est inéluctable : le temps médical baisse. Les patients n’ont plus le temps d’assimiler le message. « C’est au pharmacien que le patient va poser ses questions, son rôle est essentiel dans l’éducation thérapeutique, ainsi que dans le domaine de la prévention. »
Attaquer l’os.
Acteurs de leur santé, les patients prennent de plus en plus les devants pour s’informer, mais ils ont besoin d’un accompagnement. « Les patients veulent une relation de proximité avec leur pharmacien. 74 % d’entre eux considèrent que le pharmacien peut les aider, non seulement pour les informer sur les médicaments, mais aussi pour tout ce qui touche à la santé. Ils apprécient d’avoir un réseau de pharmaciens dense, de les rencontrer sans rendez-vous, de bénéficier de leurs compétences », affirme Gérard Raymond, président de l’Association française des diabétiques (AFD).
Le problème qui se pose aux officinaux est de toujours devoir « faire plus avec moins », note Jean-Pierre Lamothe. « Budgétairement, on est déjà en train d’attaquer l’os », rappelle-t-il en énumérant leurs missions. « L’acte pharmaceutique et les officinaux ont tendance à être oubliés parce que tout se passe bien. Or, notre acte pharmaceutique passe par l’achat, le stockage et la vente de produits. Ce n’est pas un hasard si nous sommes la seule profession libérale inscrite au registre du commerce. Toujours est-il que nous ne pouvons pas absorber tout ce que l’État et le patient veulent, à budget constant. »