« IL SERAIT bien de ne pas se tromper de direction. Car les décisions que nous allons prendre, les nouvelles orientations pour la profession que nous sommes en train de construire, seront déterminantes », lance d’emblée Xavier Bertrand aux participants du 64e Congrès national des pharmaciens. Mais le ministre de la Santé en est sûr, les orientations déjà prises aujourd’hui vont dans le bon sens et seront encore valables dans une dizaine d’années. À commencer par le nouveau mode de rémunération, dont le principe est inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Pour le ministre, compte tenu des défaillances économiques rencontrées aujourd’hui, et que tout le monde s’accorde à reconnaître, il y a urgence à agir. « On ne peut pas laisser la situation empirer », admet Xavier Bertrand, qui estime nécessaire d’appliquer « un traitement en profondeur ». D’ailleurs le ministre est clair, « la situation ne s’améliorera pas » pour l’officine. Baisses de prix, déremboursements, maîtrise médicalisée, occuperont sans doute une part importante des futurs projets de financement de la Sécu. D’où la nécessité à ses yeux d’engager cette évolution de la rémunération.
Non au tout honoraire.
Quelle part d’honoraires ? 25 %, comme le propose la FSPF ? « Pourquoi pas », indique Xavier Bertrand, qui pense que la transformation doit être progressive et ne doit pas aller jusqu’à 100 % d’honoraires. « Sur les cinq ans de la prochaine convention, on pourrait négocier, chaque année, une étape supplémentaire du rééquilibrage de la rémunération », suggère-t-il. Quoi qu’il en soit, tout se négociera avec l’assurance-maladie, probablement au mois de janvier, après que les parlementaires auront définitivement adopté l’article 39 du PLFSS pour 2012, prévoyant cette évolution de la rémunération dans le cadre conventionnel. Un bémol donc : l’honoraire et les services rémunérés ne deviendront réalité que dans le courant de l’année prochaine. Et, pour l’heure, Xavier Bertrand ne semble pas disposé à renflouer les comptes des pharmacies, tout juste se dit-il prêt à réformer la tarification des grands conditionnements. Ceux-ci « ont permis de faire des économies », insiste le ministre qui n’entend pas, par conséquent, y mettre fin, mais se dit ouvert à un rééquilibrage des efforts consentis par les différents acteurs. Car aujourd’hui, reconnaît-il, la contribution des officinaux est bien supérieure à celle des industriels.
Moderniser le réseau.
Le ministre de la Santé estime également que l’évolution de la rémunération doit s’accompagner d’une modernisation du réseau des officines sur le territoire, afin de pouvoir garantir à l’avenir la proximité des soins pour tous les patients. Au-delà de l’article 39, « j’ai voulu compléter les choses », souligne-t-il. Dans ce cadre, Xavier Bertrand annonce qu’il soutiendra une série d’amendements au PLFSS 2012. Il s’agit notamment du relèvement à 4 500 du quota de population nécessaire à l’ouverture d’une officine supplémentaire dans une commune (3 500 habitants actuellement). Mais aussi de la mise en place d’une procédure de rachat destruction de licences et de l’augmentation de 5 à 12 ans de la durée de protection accordée après un regroupement.
En revanche, il n’est pas favorable à l’idée d’un honoraire spécifique pour les pharmacies rurales dont le dernier médecin aurait quitté la commune, comme le souhaite l’APR. « Cela ne permettra pas aux prescripteurs de revenir », argumente Xavier Bertrand, qui croit plutôt dans la création de maisons de santé pluridisciplinaires. En effet, quand un médecin part à la retraite, il n’est pas certain qu’un nouveau praticien s’installe dans le village. Et comme, selon le ministre, les jeunes diplômés n’aspirent plus à exercer seul, les maisons de santé lui paraissent être la meilleure façon de maintenir des médecins dans les campagnes. « Je préfère qu’il y ait un praticien à quelques kilomètres d’une pharmacie, plutôt que plus du tout dans cinq ou dix ans », tranche Xavier Bertrand, qui pense toutefois possible d’inscrire une dimension aménagement du territoire dans le cadre de la convention pharmaceutique et des nouvelles missions.
Pas d’appels d’offres pour les génériques.
Le ministre se dit également hostile au projet d’instauration d’une procédure d’appels d’offres pour les génériques, envisagée dans le PLFSS par les députés Jean-Pierre Door et Yves Bur. Afin de faire baisser le prix de ces médicaments, les deux parlementaires proposent d’offrir la possibilité aux autorités de régulation des prix de lancer des appels d’offres auprès des fabricants sur un groupe générique donné. Mais Xavier Bertrand n’en veut pas. « À court terme, sur le papier, cela permet de dégager des économies, explique-t-il. Mais ensuite, à quel prix et pour combien de temps ? En clair, quid de la sécurité d’approvisionnement du marché français. » Ce qui ne l’empêche pas d’envisager de baisser encore le prix des génériques et d’augmenter les objectifs de substitution de 5 points en 2012. « Il faudra aussi clairement une mobilisation des prescripteurs », prévient le ministre, qui compte mettre en place un contrôle renforcé sur les mentions « non substituables » abusives.
Enfin, en ce qui concerne la préparation des doses à administrer (PDA), Xavier Bertrand assure que l’on va vers une sortie rapide des textes. Toutefois, une réunion doit encore avoir lieu fin novembre entre les syndicats et les pouvoirs publics. Pour le ministre, la PDA doit concerner les patients de l’officine vivant chez eux ou résidant en EHPAD*, les conditions techniques de réalisation de la PDA doivent s’appliquer de la même manière en officine et en EHPAD, et les personnes habilitées à réaliser cet acte sont les titulaires, les adjoints et les préparateurs sous la responsabilité d’un pharmacien. « Voilà les principes sur lesquels on essaie aujourd’hui de bâtir un système cohérent », indique Xavier Bertrand.
« J’ai conscience que même si vous êtes rassurés sur la direction, vous attendez de savoir précisément comment cela va s’écrire, conclut le ministre de la Santé. Vous allez avoir des discussions conventionnelles, il faut que cela aboutisse. Ensuite, il faudra que tout soit mis en œuvre. Une convention signée, c’est bien, une convention appliquée, c’est mieux. »