La classe des anticoagulants oraux (ACO) fait l’actualité à plusieurs égards. Elle connaît une expansion continue, stimulée notamment par le vieillissement de la population française (l’incidence de la fibrillation atriale augmente avec l’âge ; la fréquence d’emploi de ces médicaments a d’ailleurs doublé entre 2000 et 2011), son poids dans l’iatrogénie grave est très important (ils seraient responsables chaque année de 17 000 hospitalisations et de 5 000 décès), et, enfin, l’arrivée des anticoagulants oraux directs et l’extension progressive de leurs indications, suscitent également un certain nombre d’interrogations.
Iatrogénie : au-delà du risque hémorragique
Si les hémorragies pèsent d’un poids considérable dans toutes les études de pharmacovigilance sur ces produits, elles ne représentent pas le seul effet indésirable des anticoagulants oraux, ce qui constitue un fait volontiers méconnu.
Agnès Lillo - Le Louet (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, Fédération de Pharmacovigilance d’Ile-de-France) a présenté les résultats d’une importante enquête (2010 à 2013) de pharmacovigilance sur les effets indésirables graves non hémorragiques des anti-vitamines K (AVK) réalisée par le Centre régional de pharmacovigilance de Lyon, dont les résultats ont été présentés en mai 2014.
Sur 6 100 cas enregistrés avec les AVK, 5 200 étaient des effets indésirables de nature hémorragique.
Rappelons à ce sujet que la fluindione (Préviscan) est l’AVK très majoritairement le plus prescrit dans notre pays (environ 70 %), suivi par l’acénocoumarol et la warfarine. Quatre catégories d’effets indésirables ont été identifiées : hématologiques, hépatiques, rénaux et cutanés.
Plan de gestion des risques
Les atteintes cutanées ont été les plus fréquemment rapportées (89 cas, surtout des hypersensibilités médicamenteuses et quelques cas de toxidermie et de vascularites), suivies des atteintes rénales (80 cas), hépatiques (43 cas) et hématologiques (30 cas).
Ces résultats ont conduit le Comité technique de pharmacovigilance à émettre un certain nombre de propositions, parmi lesquelles une meilleure information des professionnels de santé et un encouragement à développer la prescription des coumariniques.
S’agissant des anticoagulants oraux directs (AOD), les trois produits actuellement disponibles (dabigatran - Pradaxa, rivaroxaban - Xarelto et apixaban - Eliquis) font l’objet d’un plan de gestion des risques au niveau européen. Des données françaises de pharmacovigilance ont été publiées à leur sujet en novembre 2013.
Sans surprise, les accidents hémorragiques viennent très largement en tête. Les autres types de signalement différent sensiblement selon les molécules : effets digestifs bénins et effets rénaux pour le dabigatran, thrombopénies, pancréatites, myalgies et vascularites pour le rivaroxaban, vascularites cutanées et atteintes pulmonaires interstitielles pour l’apixaban.