Quelques définitions
Oligothérapie : utilisation des oligo-éléments à des fins thérapeutiques. Selon la dose utilisée, on distingue l'oligothérapie quantitative (dose de l'ordre du mg) à visée de supplémentation dans les situations de carence, et l'oligothérapie qualitative (dose de l'ordre du microgramme), à visée fonctionnelle.
Oligo-éléments : métaux ou métalloïdes à l'état de trace dans les organismes vivants. Apportés par l'alimentation, ils sont indispensables au fonctionnement de l'organisme et participent notamment aux systèmes enzymatiques.
Catalyse : phénomène visant à augmenter une réaction chimique ou biochimique. La catalyse fait intervenir un catalyseur, dont les métallo-enzymes.
Métallo-enzyme : enzyme dont la structure se compose d'un ou plusieurs ions métalliques (zinc, manganèse…).
Maladie fonctionnelle : dérèglement physiologique réversible de tout ou partie de l'organisme, sans atteinte organique ni trouble métabolique majeur.
Terrain : ensemble des prédispositions d'un individu à développer des maladies.
Diathèse : classification en quatre groupes (allergique, hyposthénique, dystonique, anergique) des éléments sémiologiques permettant de décrire une affection. Selon le profil diathésique, une maladie fonctionnelle de même nature s'exprime de façon diverse. La diathèse est à mettre en parallèle avec le syndrome réactionnel.
Syndrome réactionnel : chaque syndrome réactionnel regroupe les réactions d'un individu en réponse à un stimuli. On en distingue quatre : le syndrome hyper-réactif, le syndrome hyporéactif, le syndrome dystonique et le syndrome anergique.
Dystonie : trouble de la tonicité caractérisé par des contractions musculaires anormales (les crampes par exemple).
Dysfonctionnement fonctionnel : un peu de physiopathologie
Les troubles fonctionnels et le terrain
Sous l'influence de facteurs exogènes ou endogènes, l'équilibre fonctionnel d'un organisme peut être perturbé. Il en résulte des troubles mineurs dits fonctionnels, dont la fatigue, les perturbations digestives ou l'irritabilité. Le diagnostic d'un trouble fonctionnel est posé après avoir écarté toute cause organique ou lésionnelle. Ces dysfonctionnements persistants font le lit des pathologies. Les prédispositions aux perturbations constituent le terrain. Chez certaines personnes, ces troubles sont récidivants ou deviennent chroniques, avec des répercussions sur la qualité de vie. Au-delà de soulager le ou les symptômes, l'objectif thérapeutique est de retrouver un mode de fonctionnement optimal en utilisant un support thérapeutique qualitatif et non quantitatif. Autrement dit, l'objectif est de compenser des carences fonctionnelles, et non qualitatives.
Oligothérapie réactionnelle, support de la médecine fonctionnelle
L'oligothérapie réactionnelle est l'outil thérapeutique de la médecine fonctionnelle. L'apport de doses infimes (de l'ordre du microgramme) d'oligoéléments vise à rétablir le terrain et à retrouver l'équilibre de l'organisme. Ce concept thérapeutique a bénéficié des travaux du Dr Jacques Ménétrier, dans la deuxième partie du 20ème siécle. Le chercheur français s'est appuyé sur des études montrant la capacité catalytique des oligo-éléments dans certaines réactions enzymatiques. Sous forme d'ion, l'oligo-élément module l'action catalytique au cours d'une réaction enzymatique. On lui attribue également une action déchélatrice, permettant de libérer les ions métalliques bloqués par les chélateurs et une action antiradicalaire par ré-activation de l'enzyme SOD (super oxyde dismutase).
L'oligothérapie en pratique et en synthèse
L'oligothérapie se différencie de l'allopathie par le travail d'exploration sémiologique qui doit être réalisé pour cibler le médicament d'oligothérapie adapté. Ce travail préalable indispensable doit prendre en compte le terrain individuel. Dans cette démarche thérapeutique, on distingue quatre syndromes réactionnels : le terrain allergique (hyper-réactif), le terrain infection (hypotonique ou hyporéactif), le terrain neurovégétatif (dystonique) et le terrain anergique :
- Syndrome hyper-réactif : il caractérise les patients qui répondent de façon excessive à un stimulus. Par exemple, il s'agit d'une personne qui dissipe sa fatigue par l'activité ou l'effort. Le syndrome est dominé par des troubles allergiques (en particulier au niveau cutané) ou inflammatoires, ou encore des manifestations de type migraine ou troubles endocriniens ;
- Syndrome hypotonique, ou hyporéactif : il est dominé par des infections respiratoires, ORL, digestives ou urinaires. La fatigabilité est un élément clé de ce syndrome ;
Syndrome dystonique : il se caractérise par un ralentissement des fonctions, se traduisant par une baisse de la vitalité. Il est dominé par les troubles d'insuffisances, tels que l'insuffisance circulatoire, cognitive ou cardiovasculaire. Il est spécifique des vertiges ou des colopathies fonctionnelles ;
- Syndrome anergique : il correspond aux personnes qui n'ont "plus de jus". Ce syndrome est dominé par une asthénie persistante et importante, avec une dépression des capacités psychiques et physiques. Ce syndrome est spécifique des infections sévères et récidivantes de l'appareil respiratoire et ORL, ou des insomnies.
Les mots du conseil
Une alimentation saine et équilibrée
Les oligo-éléments utilisés pour le fonctionnement de l'organisme sont apportés par l'alimentation. D'où l'importance d'un régime alimentaire sain et équilibré. À l'officine, il est toujours nécessaire de redéfinir cette notion et d'identifier les axes d'amélioration permettant de réadapter l'apport nutritif au cours des repas.
Halte aux pratiques qui détériorent le terrain
Le terrain individuel est façonné par l'hérédité mais également par le mode de vie. Les comportements comme le tabagisme, la consommation d'alcool ou la sédentarité détériorent l'organisme petit à petit. Quelles que soient les manifestations fonctionnelles décrites par les patients, l'équipe officinale doit toujours être prête à les accompagner vers une meilleure qualité de vie.
Bloquer les agents infectieux par des gestes simples
Chez les personnes souffrant d'infections à répétition, un conseil simple est de limiter l'exposition aux microbes, par le lavage des mains ou le port d'un masque de protection. Ces mesures de protection se sont largement développées et deviennent plus prégnantes depuis l'épidémie de COVID-19. Le statut vaccinal doit également être contrôlé régulièrement et corrigé si nécessaire.
L'oligothérapie à l'officine : pour quelles situations ?
L'oligothérapie qualitative trouve des indications dans plusieurs domaines, de l'infectiologie à la psychiatrie en passant par la cardiologie. À l'officine, la complexité de prescription de l'oligothérapie, qui nécessite un entretien approfondi avec le patient, et l'incapacité à poser un diagnostic précis limitent le recours à cette thérapeutique. En outre, les traitements par oligothérapie exigent une réévaluation régulière de la prescription, afin de l'adapter en cas de résultat non satisfaisant ou au contraire, de confirmer le choix initial. L'équipe officinale peut néanmoins avoir recours à l'oligothérapie en conseil, dans des situations telles que la fatigue, les troubles de concentration, les récidives d'état infectieux, la convalescence ou les manifestations musculaires.
Écarter toute perte de chance
L'oligothérapie mal utilisée ou mal conseillée n'est pas efficace. En outre, certains comportements comme l'automédication ou la prise d'oligoéléments « par habitude » exposent les patients à une perte de chance, ou un retard diagnostic. Lorsqu'elle est sollicitée pour la délivrance d'un médicament d'oligothérapie sans prescription médicale, l'équipe officinale doit veiller à la pertinence de ce choix thérapeutique et savoir orienter le patient vers un examen médical en présence de signes d'alerte.
Les produits du conseil
Il existe plusieurs gammes historiques de médicaments d'oligothérapie (Oligosol, Granions, Oligostim) disposant d'une indication en tant que modificateur du terrain. Ces spécialités permettent d'initier la prise en charge en pharmacie de troubles fonctionnels simples. La plupart de ces spécialités sont réservées à l'adulte. Certaines, comme le lithium, peuvent être utilisées chez l'enfant à partir de 6 ans. Enfin, bien que la concentration en oligo-éléments soit faible, des spécialités d'oligothérapie sont déconseillées chez la femme enceinte.
Les spécialités se présentent sous forme de solution buvable (forme sublinguale pour OLIGOSOL) ou de comprimé sublinguaux ; il est important d'expliquer le mode d'administration (à jeun, conserver 1 à 2 minutes sous la langue avant d'avaler) pour garantir l'efficacité du produit.
Les oligo-éléments modificateurs du terrain, par indication
Pour conseiller simplement l'oligothérapie, l'équipe officinale peut s'appuyer sur les indications thérapeutiques validées dans les AMM (autorisation de mise sur le marché).
- États infectieux et états grippaux : les oligo-éléments indiqués sont l'argent et le bismuth (états infectieux viraux de la sphère ORL), le soufre (sphère ORL) et le cuivre. L'argent est également indiqué en présence d'aphtes buccaux. L'association cuivre/manganèse est indiquée dans les états allergiques de la sphère ORL.
- Affections récidivantes cutanées : le soufre.
- Affections rhumatismales inflammatoires et arthrose : on retrouve le cuivre, ainsi que l'or et le soufre.
- Asthénie : l'association cuivre, manganèse et or colloïdal est indiquée dans l'asthénie fonctionnelle, ou l'association manganèse, cuivre et cobalt au cours des états asthéniques.
- Troubles légers du sommeil, irritabilité : le lithium peut être utilisé à partir de 6 ans, mais il est déconseillé chez la femme enceinte.
- Crampes, spasmophilie et autres états dystoniques : on peut conseiller le magnésium, le potassium, le phosphore, ou l'association manganèse cobalt.
- Convalescence d'une maladie infectieuse : association cuivre, or, argent.
- Atteinte ligamentaire mineure : le fluor.
- Affections musculaires et cutanées : le sélénium.