Identifiée comme un levier important de prévention et d’amélioration de la santé, la littératie en santé reste souvent un angle mort des politiques publiques. Près d’un Français sur deux (44 %) rencontre pourtant des difficultés pour comprendre et s’approprier les informations en santé. Les obstacles sont multiformes et concernent plus fréquemment les personnes moins favorisées socialement ou ayant un problème de santé chronique.
Ce résultat est tiré de l’enquête internationale « Health Literacy Survey 2019-2021 »*, publiée le 22 mai et à laquelle Santé publique France (SPF) participe pour la première fois aux côtés de 16 autres pays**. En métropole, 2 003 adultes âgés de 18 à 75 ans*** ont été interrogés en deux vagues (mai 2020 et janvier 2021).
Les niveaux de littératie en santé (soit les compétences nécessaires pour repérer, comprendre, évaluer et utiliser les informations permettant à un individu de maintenir et améliorer sa santé) ont été classés en quatre niveaux : excellent, suffisant, problématique ou inadéquat. Le score moyen obtenu en littératie en santé (LS) dite générale apparaît plutôt élevé (77,5/100). Mais, 14,3 % des personnes ont un niveau « inadéquat » et 29,8 % un niveau « problématique ».
La navigation dans le système de santé est complexe pour près des trois quarts des participants
Des séries d’items permettent d’appréhender plus finement les difficultés rencontrées. Est ainsi interrogée la capacité à « naviguer » dans le système de santé, qui recouvre la capacité à accéder à l’information, à agir (item « vous défendre si les soins que vous recevez ne répondent pas à vos besoins » par exemple) et à comprendre (« comprendre les réformes en cours du système de santé qui pourraient affecter vos soins »). Sur ce terrain, les difficultés sont « non négligeables » avec un score moyen de 50,4/100, est-il relevé. Parmi les répondants, 73,1 % avaient un niveau de LS-Navigation limité, dont 49,2 % un niveau inadéquat.
Ces difficultés sont associées à un gradient social. Mais, celui-ci « disparaît chez les personnes qui présentent des problèmes de santé durables », souligne SPF, laissant penser que « les difficultés diminuent lorsque les personnes recourent plus au système de santé ». Le recours chronique aux soins est toutefois associé à une LS-Navigation à la fois excellente et limitée, « semblant indiquer que certaines personnes progressent alors que d’autres restent en difficulté vis-à-vis du système de santé ».
72 % des participants pas à l’aise avec les informations de santé en ligne
Autres difficultés repérées, 72 % des participants ne sont pas à l’aise avec la recherche et la compréhension des informations de santé en ligne (on parle de littératie en santé numérique). Les obstacles relèvent des domaines de compétences mobilisées (littératies propres aux outils numériques, aux médias, aux sciences…). Ainsi, 54,4 % des répondants jugent difficile ou très difficile d’« utiliser des informations pour résoudre un problème de santé » ; 55,7 % de « déterminer si les informations trouvées sont pertinentes dans votre cas » et 64,8 % de « juger de la fiabilité des informations trouvées ».
Au plus fort de la pandémie de Covid, « la désinformation et sa propagation croissante avec l’usage des réseaux sociaux ont fait partie des difficultés rencontrées par certains utilisateurs », est-il ajouté. Sur cet aspect des compétences numériques, ce sont les plus jeunes et les plus favorisés qui s’en sortent le mieux.
Plus de 20 % ne se rappellent pas des informations données
Fait plutôt rassurant pour les médecins, seuls 29 % des participants se plaignent de la communication avec les professionnels de santé. Les entraves ressenties « sont plus fréquentes quand il s’agit d’exprimer des opinions ou préférences personnelles et de s’impliquer dans les décisions, lit-on. Ceci peut illustrer la persistance d'un certain degré de paternalisme médical dans la relation médecin-patient ». Mais, plus de 20 % des participants expriment aussi des problèmes à se rappeler des informations obtenues. « Ceci incite à multiplier les sources et rappels d’informations après une consultation médicale », est-il souligné.
Là encore, la présence d’un problème de santé durable semble favoriser à la fois un excellent niveau et des difficultés à communiquer, pouvant traduire une communication aisée chez les personnes qui consultent régulièrement, mais aussi une perception plus claire de leurs difficultés.
En dressant cet état des lieux, l’enquête fournit des pistes pour améliorer les capacités et compétences des adultes. SPF y voit « un levier potentiel de réduction des inégalités sociales de santé (...) par l’accès à une information facilement appropriable. » L’agence rappelle d’ailleurs ses efforts dans l’élaboration et la diffusion de sa communication envers le grand public, notamment via la mise à disposition sur son site, dans la rubrique « l’info accessible à tous », des outils dédiés aux publics qui ont difficilement accès à l’information.
*Collaboration internationale initiée par le réseau Action Network on Measuring Population and Organizational Health Literacy (M-POHL), sous l'égide de l'initiative européenne d'information sur la santé de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). **Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Hongrie, Irlande, Israël, Italie, Norvège, Portugal, République tchèque, Russie, Slovaquie, Slovénie, Suisse. ***Les répondants devaient être aptes à répondre à un long questionnaire en ligne en échange d’incentives (terme de marketing qui désigne des méthodes de motivation à la participation par des cadeaux, des jeux…), proposés par Ipsos I Say, et dont la représentativité est seulement approchée par la méthode des quotas.