Son intérêt pour l'histoire, notamment du Cotentin, et au-delà de la Normandie, a poussé Philippe Le Garçon à de bien inattendues découvertes. Le titulaire de Montmartin-sur-Mer (Manche) a, bien sûr, adhéré à diverses associations d'histoire, dont la Société d'archéologie et d'histoire de la Manche. Mais le fait d'avoir croisé un étudiant qui travaillait à un mémoire sur la noblesse du Cotentin a entraîné ce confrère bien ailleurs.
« Léonor de Mons préparait un mémoire où il décrivait, notamment, les blasonnements dont il trouvait la trace dans de vieux écrits, explique Philippe Le Garçon. Je lui ai dit que c'était un beau travail, et qu'il serait bien de dessiner ces blasons, le blasonnement est une description écrite. Mais je ne savais pas le faire, Léonor non plus. »
Le confrère a donc appris. Un blason, explique-t-il, est un dessin très précis, et complexe. Il comporte des émaux, l'or ou l'argent ; des couleurs : « de gueule », le rouge, « d'azur », le bleu, « de sable », le noir, « sinople », le vert. Tous ces termes appartiennent à l'héraldisme, le langage des hérauts d'armes, ces gens qui validaient les armoiries, les blasons. Un blason comportait aussi une « fourrure », l'hermine, ou le vair (la peau de l'écureuil, la pantoufle de Cendrillon).
Comme un logo
Un blason est ensuite découpé selon une « partition », par demis, par quarts, par huitièmes, par une barre, une diagonale. Il porte enfin un « motif », « tout ce qu'on veut », montre Philippe Le Garçon, en présentant les nombreux blasons des apothicaires du Cotentin. Chaque corporation de métier avait un blason, dans l'ancien régime.
« Le blason, c'est comme le logo d'une équipe de foot ou de courses de chevaux », explique le confrère. Un logiciel « très compliqué » lui a permis de dessiner un à un les blasons décrits par l'étudiant. Il en a dessiné plus de quatre mille depuis 2008 pour le seul Cotentin, qu'il envoyait pour critique et validation à Léonor et Rodolphe de Mons, le père de l'étudiant, gentilhomme normand. Il s'agissait d'illustrer cet Armorial du Cotentin, qu'écrivait Léonor de Mons, dix tomes de mille pages chacun, couvrant la période du XIVe siècle à la Révolution.
Pour la sauvegarde du patrimoine
« Le but de ce catalogue est de sauvegarder le patrimoine, indique Philippe Le Garçon. Léonor de Mons, qui travaille à Paris, trouve de nouveaux blasons, chaque mois, notamment à la Bibliothèque nationale. À la Révolution, tous les blasons ont été « cassés », à la masse. Et en 1944, après le débarquement, il y a eu beaucoup de destructions, les archives départementales avaient entièrement brûlé. »
Le confrère pense que « l'Armorial ne paraîtra jamais. Ça n'intéresse plus personne. Les associations d'histoire n'attirent pas les jeunes ». Il regrette l'absence de « l'érudit local », qu'on trouvait un peu partout, qui travaillait par passion, publiait parfois, et qui serait « victime du mépris des universitaires pour ces gens-là. Le « doctorant » en histoire ne connaît qu'un truc, les haches néolithiques, par exemple, pas l'histoire ».
Ce qui n'empêche pas Philippe Le Garçon de poursuivre son travail : son objectif est de remettre une copie aux Archives départementales, que ce travail ait existé. Peut-être la copie rencontrera-t-elle un jour un curieux, par exemple « d'armes parlantes », celle qui porte un loup pour un monsieur Chanteloup, un bœuf pour un monsieur de Boisboeuf, ou autres animaux.