Les sénateurs ont adopté, le 11 avril, la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales. Leur version met davantage en danger le réseau officinal. Explications.
« Incompréhensible. » « Une catastrophe. » Les syndicats de pharmaciens partagent colère et inquiétudes après l’adoption au Sénat, le 11 avril en séance publique, de la proposition de loi (PPL) « accès aux pharmacies dans les communes rurales ». Les Sénateurs n’ont pas tenu compte des remarques des représentants de la profession, ni des modifications apportées par les membres de la commission des affaires sociales. Cette PPL met le réseau en péril, sur plusieurs points.
Déjà, les sénateurs sont revenus à la version initiale de la PPL et ont réinstauré l’assouplissement des règles d’installation sur tout le territoire. Alors qu’aujourd’hui, dans les territoires fragiles, une officine pourrait être installée à condition qu’un ensemble de communes contiguës rassemble au moins 2 500 habitants et que l’une de ces communes compte plus de 2 000 habitants, l’amendement de Cédric Vial (Savoie, LR) retire le critère de plus de 2 000 habitants dans l’une des communes regroupées et ne le limite plus aux territoires fragiles. « Seul le critère de la population municipale est pris en compte, alors que d’autres éléments contextuels pourraient utilement être considérés comme : la population touristique, la présence de zones d’activités, le passage d’axes routiers majeurs, les fonctions de centralité ou encore l’isolement géographique de la commune… », justifie Cédric Vial dans l’exposé des motifs.
« Je trouve incompréhensible que l'on soit revenu à la première version de cette proposition de loi », explique Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Autoriser des ouvertures de pharmacies dans des territoires aussi petits, c'est prendre le risque de déstabiliser le réseau et de faire mourir celles qui existent déjà. On risque de créer un surnombre comme dans les années quatre-vingt avec cette vague de créations dérogatoires que l'on avait vu alors. Ces petites pharmacies qui seraient créées n'auront pas les moyens financiers d'assumer les missions qui leur sont dévolues. Cette PPL est donc dangereuse pour le réseau et je regrette que les sénateurs n'aient pas vu ce danger », poursuit-il.
« Le sujet n’est pas d’ouvrir de nouvelles pharmacies mais de maintenir celles qui existent déjà et de pouvoir les transmettre », complète Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
Le retour des annexes
Ensuite, les sénateurs ont jugé bon d’instaurer un assouplissement sur la création des annexes, ou antennes, de pharmacies. Aujourd’hui, la loi prévoit qu’une annexe de pharmacie peut être ouverte par un pharmacien titulaire d’une commune limitrophe. L’amendement adopté de Daniel Chasseing (Corrèze, Les Indépendants – République et territoires) propose de permettre qu’une telle annexe puisse être créée par le pharmacien titulaire d’une officine située dans une commune non limitrophe ou plus éloignée, dans le cas où aucun pharmacien d’une commune limitrophe ou de l’officine la plus proche ne s’est positionné pour le faire.
Une mauvaise idée pour Pierre-Olivier Variot : « S'il n'y a pas de notion de distance, si on laisse des pharmacies éloignées ouvrir des antennes où elles le souhaitent, on risque de voir arriver des gros faiseurs qui vont ouvrir 5 ou 6 antennes et créer un véritable réseau. Ce n'est pas l'idée des antennes au départ. Il était question que ce soit des membres de l'équipe de la pharmacie mère qui soient présents au niveau de l'antenne. Alors oui, si la pharmacie la plus proche est une petite structure et n'a pas les moyens de créer une antenne, pourquoi pas aller voir plus loin, mais sans notion de distance, on risque là aussi de déstabiliser le réseau. »
Tout n’est pourtant pas à jeter dans cette PPL. L’amendement de Maryse Carrère (Hautes-Pyrénées, RDSE – groupe à l’origine de cette PPL) assouplit les règles relatives au remplacement des titulaires et à la caducité des licences. Alors qu’actuellement le pharmacien titulaire ne peut se faire remplacer au-delà d’un an sauf si son état de santé l’exige (renouvellement pour un an maximum), la durée de remplacement pourra être portée à un an supplémentaire « lorsque ce renouvellement apparaît nécessaire pour ne pas compromettre l’approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente. » De plus, cet amendement repousse d’un an le délai au bout duquel la cessation d’activité est réputée définitive avec perte de licence.
La bonne nouvelle : l’injonction au gouvernement de sortir le décret « territoires fragiles », celui qui peut dénouer la mise en place d’aides pour les pharmacies fragiles, avant le 1er octobre a été conservé.