L’exercice coordonné peut prendre diverses formes, mais l’objectif reste commun : favoriser l’échange entre les professionnels de santé. Échange et coordination autour de patients pour l’EPS (équipe de soins primaires), ou interaction positive et mutualisation des compétences entre les professionnels exerçant sur un même secteur géographique ou un même territoire de santé pour la MSP (maison de santé pluriprofessionnelle) ou la CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé).
Savoir où l’on veut aller, ensemble
« L’interprofessionnalité, ce n’est pas choisir une structure ou l’autre. C’est s’organiser de la façon la plus adaptée pour gagner en efficacité sanitaire », explique Gilles Conan, pharmacien à Amboise, très investi dans le développement de l’exercice coordonné. D’ailleurs, une forme n’empêche pas l’autre : les professionnels d’une MSP peuvent appartenir à une CPTS. De même, des professionnels d’une CPTS peuvent se constituer en ESP. « Ce qui est parfois difficile à comprendre, c’est que la CPTS ne se superpose pas au découpage administratif puisque son territoire est défini en fonction des habitudes de soins des patients. Une CPTS peut ainsi couvrir un territoire débordant sur un autre département ou intégrant tout ou partie de cantons. Cependant, il est important de réaliser un découpage intelligent, pour qu’au final, les CPTS couvrent tous les territoires », ajoute le confrère d’Indre-et-Loire.
Obligation administrative : SISA ou association
Qu’il s’agisse d’une CPTS ou d’une MSP, ces organisations professionnelles doivent être adossées à une entité juridique telle qu’une association (avec un bureau et un conseil d’administration) ou une SISA (société interprofessionnelle des soins ambulatoires). La création de ces structures constitue une étape indispensable pour percevoir des financements. À Saint-Savinien, en Charente-Maritime, la MSP qui rassemble une quinzaine de professionnels de santé de la commune est en cours de construction. « Notre projet vient d’être labellisé par le Comité départemental des maisons de santé, et nous disposons désormais de six mois pour nous constituer en SISA », précise Alexandre Perrault, pharmacien et cheville ouvrière de cette initiative.
De nécessaires financements
L’aspect financier est évidemment un élément majeur dans l’organisation de l’interprofessionnalité. Pour la CPTS, la majeure partie des recettes provient du financement conventionnel, défini par l’ACI (accord conventionnel interprofessionnel). Diverses subventions provenant des collectivités (communauté de communes, département) ou d’associations peuvent s’y ajouter, ainsi que les crédits du fonds d’intervention régional, pour financer des actions thématiques telles que les soins palliatifs. « La première année, il faut rester vigilant et prévoir un budget de réserve pour initier les actions de l’année suivante. Le suivi des actions et leur validation doivent être réalisés régulièrement et rigoureusement », conseille Gilles Conan, trésorier de la CPTS à laquelle il participe. Autre élément de coût à prendre en compte, le recours à un commissaire aux comptes est obligatoire à partir d’un apport de 153 000 euros provenant de subventions publiques. Pour la MSP, les financements sont initiés par l’ARS de tutelle, puis elle passe la main à la CPAM.
Des axes de travail clairement définis
Quelle que soit la structure support de l’exercice coordonné, le projet de santé doit répondre aux besoins du territoire. Dans le cadre de la CPTS, les missions sont définies par l’ACI. Des cabinets experts existent pour aider les participants à la structure interprofessionnelle à rédiger leur projet de santé. « Notre projet de santé tient compte des données sociologiques et épidémiologiques du territoire, telles que l’âge moyen des patients ou la répartition des comorbidités. Dans le cadre de notre MSP, nous avons choisi 2 axes de coopération : le maintien domicile du sujet polypathologique, et l’éducation thérapeutique du patient diabétique avec des ateliers de cuisine », explique ainsi Alexandre Perrault.
Ressources humaines et matérielles
Pour les soutenir dans leur mission sanitaire, les structures d’exercice coordonné doivent généralement se doter de ressources matérielles et humaines. La CPTS à laquelle participe Gilles Conan dispose d’un local permanent, doté d’une salle de réunion. Pour animer et organiser les actions, la structure emploie une coordinatrice rémunérée sur facture et une secrétaire salariée. « Nous utilisons également le réseau e-CPTS pour communiquer entre nous. C’est un outil sécurisé et souple, devenu indispensable pour échanger entre les participants à la CPTS. Chacun peut paramétrer l’outil en fonction de ce qu’il veut recevoir », décrit le confrère d’Amboise. À Saint-Savinien, la MSP naissante va bénéficier d’un financement alloué à l’équipement : « Cet argent sera utilisé pour doter la MSP de mobilier et de matériel de réunion, mais également pour financer un logiciel partagé. Ce logiciel facilitera la communication entre nous. Il doit être agréé ASIP Santé. L’outil est paramétrable et permet de sélectionner les données que l’on souhaite partager, ainsi que les destinataires. »
L’élément indispensable : une volonté partagée
De leur expérience, Gilles Conan et Alexandre Perrault admettent que la mise en œuvre de l’interprofessionnalité repose sur quelques individus leaders. « Sans aucune prétention, sur la quinzaine de participants à la MSP, seules deux ou trois personnes sont réellement moteur et suivent le projet étape par étape », note le pharmacien de Saint-Savinien. Autrement dit, sans ces référents, l’interprofessionnalité reste une belle idée, sans devenir réalité. Une fois la structure créée, certaines démarches aident néanmoins à renforcer l’implication des participants, comme l’indique Gilles Conan : « Dans notre CPTS, nous avons une règle : celui qui a une idée monte le projet et le soumet pour validation. Si c’est accepté, cette même personne a en charge d’en suivre la réalisation. Cela permet de responsabiliser chaque membre, de les rendre acteurs de la CPTS. »