L'usure politique, associée à un manque de professionnalisme et à une incroyable malchance, a eu raison de la République en marche, dont l'ambition se limite désormais à avoir 10 000 conseillers municipaux, sur les 500 000 qui seront élus. C'est un moment d'humilité, ou je n'y connais rien. Personne, il est vrai, ne pouvait prévoir que Benjamin Griveaux, déjà très discuté, serait balayé par un médiocre scandale sexuel, qu'Agnès Buzyn n'a pas su prendre le relais de Griveaux, ni que Anne Hidalgo, vitupérée comme elle ne l'avait jamais été par la droite, sortirait triomphante du débat, ce qui semble certain depuis son alliance avec les Verts. Ce n'est pas rien car c'est une grosse bouffée d'oxygène pour le parti socialiste.
En dehors de ses erreurs et de son manque de maturité, la majorité, en l'occurrence, est victime de la malchance. C'est l'affaire Griveaux qui lui fait perdre Paris, son fief naturel. Ce sont les difficultés au Havre, où Édouard Philippe se bat pour les surmonter. C'est l'attitude quelque peu nonchalante de Gérard Collomb, un ancien ministre qui a abandonné son poste et qui, pour défendre son bout de gras à la mairie de Lyon, s'est associé à la droite, ce qui lui a valu une expulsion de la REM, largement réclamée par les membres de ce parti. C'est Bordeaux où les Juppéistes n'ont plus la cote. On a vraiment du mal à imaginer la série de comportements capricieux, déloyaux et étonnamment malhabiles de ceux qui, pour survivre, ont traité la REM avec mépris.
Poussée des Verts attendue
Les pronostics annoncent une forte poussée des Verts, alliés ou non à la gauche, un regain des Républicains qui, toutefois, n'auront pas Paris, pourtant si convoité par Rachida Dati, et le statu quo pour le Rassemblement national et pour la France insoumise dont la combativité ne suffit pas pour gagner des voix. Le fait le plus important de ce second tour des municipales, c'est le chaos idéologique qu'il a entraîné, en grande partie à cause de la REM qui, n'étant ni de droite ni de gauche, a conclu des alliances avec les deux camps. Là où un maire qui a dirigé sa ville pendant des décennies est menacé, c'est parce qu'il affronte une coalition REM-PS-Verts et parfois, d'autres encore.
Il ne faut pas en conclure pour autant que la REM souffre, sans remède possible, de sa jeunesse et de son inexpérience. Il lui est difficile de s'implanter dans le territoire, trois ans à peine après sa victoire à la présidentielle et aux législatives de 2017. À n'en pas douter, son positionnement idéologique est extrêmement compliqué et, de même qu'elle a gagné une fois parce qu'elle s'adresse en même temps à la droite et à la gauche, elle perd maintenant pour la même raison. Le problème français n'est pas seulement le Covid dont les effets délétères sur l'économie n'ont certes pas aidé la majorité à poursuivre les réformes et l'ont conduite à en abandonner un certain nombre, pourtant nécessaires. La popularité croissante du Premier ministre contribue aux incertitudes. Elle va probablement lui permettre de reprendre le Havre, son fief, et aussi de renforcer la souche droitière du mouvement, ce qui peut convenir aux Verts et à la gauche classique, mais dans un contexte si nouveau que tout pronostic reste nul et non avenu.
De toute façon, le second tour des municipales sonnera la défaite de la REM, mais pas le glas du mouvement qui, malgré les défections nombreuses au sein de la majorité, reste vivace. En outre, toute mise en œuvre d'une idéologie rigide est interdite ; de ce point de vue, l'épidémie ne joue pas en faveur de l'extrême droite et de l'extrême gauche, mais d'un mouvement ou d'une coalition dont le seul mot d'ordre serait le pragmatisme, mieux, l'empirisme, seule voie logique pour apporter des remèdes à une nation malade.