L'arrivée sur le marché des premiers vaccins contre le Covid n'a pas mis un terme à la recherche. D’autant que la maladie évolue et que la pression épidémique reste forte. Au-delà des chantiers pour de futurs vaccins, de nouvelles interrogations émergent concernant ceux déjà disponibles. Des experts de l’ANRS maladies infectieuses émergentes, agence de l'INSERM présidée par le Pr Yazdan Yazdanpanah, passent en revue les questions en suspens.
• Espacer l’écart de doses
La question de l’espacement des doses vaccinales se pose alors que la fourniture des vaccins est progressive et limitée. La Grande-Bretagne, confrontée à une explosion des contaminations, a rapidement décidé de le porter à 12 semaines, y compris pour les vaccins à ARNm dont l’écart de doses validé est de 3 à 4 semaines. Un choix peu suivi par d’autres pays, à l’exception du Danemark ou du Québec (écart de 6 semaines). La France a hésité. La Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis favorable à un espacement maximum de six semaines, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a présenté l’option comme envisageable. Mais plusieurs sociétés savantes se sont inquiétées d’une perte de chance pour les populations. La vaccinologue Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique sur les vaccins Covid-19, félicite le gouvernement d’avoir su « rester rationnel » et de privilégier ce qui a été évalué scientifiquement. Des études sont d’ailleurs en cours pour évaluer différents écarts de doses vaccinales. Une recherche pertinente aux résultats fort attendus, mais qui devra répondre à un prérequis. « Une vaccination imparfaite, par exemple après une seule dose d’un vaccin qui en nécessite deux, met la pression sur le virus sans être suffisamment forte. Or on sait que plus cette vaccination imparfaite va perdurer, plus le virus peut rester chez l’hôte, ce qui lui donne la possibilité de muter, souligne Marie-Paule Kieny. Il faut donc obtenir l’immunité la plus élevée possible rapidement. »
• Une seule dose ?
Toujours en raison de l’arrivée progressive des doses vaccinales, certains pays s’interrogent sur la nécessité d’une 2e dose. Une question qui se pose pour les vaccins dont le taux d’efficacité est élevé dès la première. Par exemple, pour le vaccin de Pfizer-BioNTech, selon les essais cliniques, l’efficacité vaccinale débute 12 jours après la première dose et atteint un taux déjà significatif : 52 % d’efficacité moyenne entre les deux doses, mais déjà 87 % entre le 10e jour après la 1e dose et avant la 2e, et même 92 % entre le 14e jour après la 1e dose et avant la 2e.
En vie réelle, les données relevées en Israël, pays parmi les plus avancés en termes de vaccination contre le Covid, confirment l'évolution de ces taux d'efficacité. Cependant, à ce stade, rien ne permet d’affirmer qu’il n’y aurait pas un effondrement de cette couverture au-delà du 21e jour sans l’injection d’une 2e dose. De plus, comme l’a souligné l’ANSM dans son avis sur l’espacement des doses, « la 1re dose n’induit qu’une faible réponse en anticorps neutralisants et les titres augmentent de façon importante avec la 2e dose (effet rappel), pour atteindre des taux plus de 15 fois supérieurs à ceux atteints 21 jours après la 1re dose. Ces données montrent l’intérêt de l’administration d’une seconde dose pour installer une mémoire immunitaire ».
Pour le vaccin d’AstraZeneca-Oxford, dont l’écart de dose s’étend entre 4 et 12 semaines dans les essais cliniques et dans l’AMM accordée par l’Europe - ramené entre 9 et 12 semaines en France - les mêmes questions se posent. Une récente étude de l’université d’Oxford (pas encore publiée, donc non validée) indique une efficacité de 76 % dès la première dose qui se maintiendrait pendant trois mois, mais grimperait à 82 % après le rappel vaccinal. Les chercheurs à l’origine du vaccin russe Sputnik V étudient également la possibilité d’une injection unique.
• Quel schéma vaccinal pour les convalescents ?
Si le schéma en une seule dose de vaccins nécessitant deux doses reste, pour le moment, écarté, il existe une exception pour les personnes précédemment infectées par le Covid-19. C’est en tout cas une suggestion de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et ce vers quoi tendent deux petites études américaines en attente de validation évoquées par le « British Medical Journal » le 2 février dernier. « Des données montrent que les personnes déjà infectées par le passé ont une réponse aussi forte, voire plus forte, que des personnes n’ayant pas rencontré le virus après une seule injection », confirment Marie-Paule Kieny et Brigitte Autran, professeure émérite d'immunologie à la faculté de médecine de Sorbonne Université. Elles insistent néanmoins sur le caractère non encore validé de ces études et sur la difficulté, à ce stade, de connaître le corrélat de protection, c’est-à-dire « le lien entre la réponse immunitaire et la protection contre la maladie, souvent établi en vie réelle ». La HAS a indiqué qu’elle rendrait un avis sur le schéma vaccinal des convalescents dans les jours à venir.
• Une 3e dose ?
Face aux variants, si les vaccins actuels n’étaient pas suffisamment protecteurs, deux stratégies sont possibles, explique Brigitte Autran. Soit réaliser une 3e administration de vaccin, identique ou différent des deux premières doses, soit modifier les vaccins avec une formule plus adaptée. « C’est ce que nous faisons déjà pour la grippe. Le problème c’est que nous ne savons pas quelle forme du SARS-CoV-2 va devenir dominante. Mais les firmes travaillent déjà sur de nouvelles formulations de leurs vaccins », poursuit l'immunologue. Ce qu’a confirmé Sierk Poetting, directeur financier de BioNTech, vendredi dernier dans un entretien au magazine allemand « Der Spiegel », car « une troisième injection de vaccin contre les variants du virus pourrait être nécessaire ». Pour Brigitte Autran, « partant du principe que la 2e dose installe la mémoire immunitaire, on a besoin de la recherche pour comprendre le niveau de protection conférée par deux doses et pour savoir si une 3e dose est nécessaire, et enfin si cette 3e injection doit être réalisée avec le même vaccin que les deux premières ou avec un vaccin différent ».
• Une combinaison de vaccins ?
La combinaison de deux vaccins différents pour améliorer la réponse immunitaire est également à l’étude. Une stratégie déjà mise en œuvre dans le schéma vaccinal du vaccin Sputnik, dont le vecteur viral, un adénovirus humain, est différent pour la première et la deuxième dose. Le but ? « Créer une réponse immunitaire plus puissante tout en diminuant le risque que le système immunitaire développe (entre les deux injections) une résistance envers le vecteur initial », expliquent les chercheurs russes. Mais la recherche va désormais plus loin. Le 4 février, l’université d’Oxford a annoncé le lancement d’une étude de 13 mois sur 800 volontaires de plus de 50 ans pour tester la combinaison du vaccin de Pfizer-BioNTech en première dose avec celui d’AstraZeneca-Oxford en deuxième dose, et inversement. « Si nous montrons que ces vaccins peuvent être utilisés de manière interchangeable, cela augmentera considérablement la flexibilité de leur distribution », note le responsable de l'essai, le professeur Matthew Snape. Une autre étude va se pencher, en mars, sur une autre combinaison : le vaccin AstraZeneca-Oxford avec la première dose du vaccin Sputnik V.
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