C'est l'histoire d'un tweet devenu célèbre, dont les effets au comptoir auront pu être mesurés par tous les pharmaciens français. Nous sommes à trois jours du début du confinement, l'épidémie progresse, les connaissances sur ce nouveau virus sont, elles, encore balbutiantes.
Alors que les hôpitaux voient arriver de plus en plus de patients et que les décès augmentent, Olivier Véran, récemment nommé avenue de Ségur est informé d'une nouvelle particulièrement importante. La prise d'anti-inflammatoires, notamment d'ibuprofène et de cortisone, aggraverait l'infection par le SARS-CoV-2. « En cas de fièvre, prenez du paracétamol », conseille alors le ministre de la Santé le 14 mars sur Twitter. Les conséquences de son annonce ne se font pas attendre. Plus de 60 000 messages sur ce sujet (si on ne compte que ceux écrits en français) sont postés sur Twitter le jour même. Les ventes d'ibuprofène en officine s'effondrent les jours suivants : - 62 % entre le 16 et le 22 mars par rapport à la même semaine l'année précédente, - 83 % entre le 23 et le 29 mars, - 82 % la première semaine d'avril… Une chute vertigineuse des ventes qui se poursuivra pendant plusieurs semaines, si l'on se fie aux données de GersData. Pour prévenir tout risque de pénurie sur le paracétamol, sa vente sur Internet est temporairement interdite et les délivrances en pharmacie sont contingentées. Les ministres de la Santé espagnol et italien, notamment, emboîtent le pas d'Olivier Véran et prodiguent le même conseil à leur population au sujet des AINS.
Quand WhatsApp se substitue à l'ANSM
Si Olivier Véran, instigateur du mouvement, décide de lancer l'alerte, ce n'est pas suite à une récente position de l'Agence de sécurité du médicament (ANSM). Ce n'est pas non plus à l'enquête de l'ANSM menée en 2018, sur les dangers de la prise d'ibuprofène en cas d'infection, qu'il fait référence. Le ministre aurait eu vent de ce risque via une obscure conversation sur la messagerie mobile WhatsApp, selon les investigations menées par deux chercheurs de l'université ouverte de Catalogne. Dans le cadre de leurs travaux, publiés dans « The Harvard Kennedy School (HKS) Misinformation Review », ces derniers ont étudié les conséquences de plusieurs informations non vérifiées, voire totalement fausses, sur le Covid-19. Ils ont ainsi voulu savoir comment Olivier Véran avait été informé des risques occasionnés par la prise d'anti-inflammatoires en cas d'infection par le SARS-CoV-2. « En raison de la nature privée des applications de messagerie instantanée, nous n'avons pu retracer le récit qu'à partir du moment où il est passé de WhatsApp à Twitter, précise Ana Cardenal, coauteure de l'étude. Le message disait que cette information venait d'une étude de l'université de Vienne (Autriche), mais cette université a très vite démenti. Ainsi, cela n'a pas été pris au sérieux en Allemagne. » Certainement plus sensibilisé au sujet que ces homologues allemands, en raison notamment des positions défendues par le passé par l'ANSM, Olivier Véran va, lui, accorder beaucoup de crédit à ce mystérieux message vocal.
Une info pas crédible pour les Allemands
Si les autres « informations » disséquées par les chercheurs catalans ont été diffusées par des sources non officielles, celle concernant les AINS et le Covid-19 a, au contraire, été relayée en France par la voix supposée être la plus fiable en matière de santé, et c'est ce qui va faire toute la différence. En étudiant l'impact de cette information dans cinq pays européens, il apparaît clairement que c'est en France qu'elle a eu le plus d'effet. D'autant plus que les médias nationaux, qui ont dénoncé avec promptitude les fake news quand elles provenaient d'origines douteuses, n'ont pas réellement osé mettre en doute la véracité du tweet d'Olivier Véran. « En Allemagne (pays d'origine du message), l'information a suivi un chemin très différent. Comme l'auteur n'était pas identifié, le récit n'a pas été jugé crédible et il a simplement été un sujet de plaisanterie. Par contre, en Espagne et en Italie, les médias ont propagé cette information en citant le ministre français », ce qui a contribué à ce que la population la considère comme fiable. « Lutter contre les fausses informations est très difficile, surtout si elles viennent d'une source crédible. Dans ce cas, il est nécessaire que cette source rectifie ou tempère sa position », souligne Ana Cardenal. Concernant les risques liés à la prise d'AINS en cas d'infection au SARS-CoV-2, cette rectification n'a pas été faite en France, malgré l'existence d'études qui tendent à prouver qu'ils ne présentent pas de danger particulier pour les patients positifs au Covid. Encore aujourd'hui, les directives adressées par Santé publique France aux patients ayant les signes de la maladie du Covid-19 pour qu'ils sachent quelle conduite tenir, stipulent clairement qu'en cas de test positif : « Je peux prendre du paracétamol (...) mais je ne dois pas prendre d’ibuprofène, ni un autre anti-inflammatoire ».
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