L’accusation est lourde. Selon un article fouillé publié vendredi par « Mediapart », l’Institut hospitalo-universitaire de (IHU) de Marseille mène des essais cliniques sur des traitements contre la tuberculose en toute illégalité depuis au moins 2017. Avec à la clé des complications médicales parfois graves pour des patients souvent précaires et souvent étrangers, utilisés comme cobayes. Comment en est-on arrivé là ?
Ce sont deux membres de l’IHU de Marseille, sous couvert d’anonymat, qui ont dénoncé les faits à « Mediapart ». Le site d’informations a mené l’enquête et obtenu de nombreuses confirmations : a minima depuis 2017, l’IHU mène des essais cliniques sur la tuberculose sans aucune autorisation pour le faire. Alors que ces essais sont déjà en cours, il demandera à deux reprises, en 2019 et en 2020, une autorisation que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) lui refusera. Deux protocoles sont testés, à base de 4 antibiotiques : la clofamizine, le pyrazinamide (qui figurent bien dans les recos de l’OMS mais avec une efficacité limitée pour l’une et faible pour l’autre), la sulfadiazine (ou un autre antibiotique non évalué dans la tuberculose) et la minocycline (hors liste OMS, la sulfadiazine et la minocycline n’ont pas prouvé leur efficacité contre la tuberculose chez des modèles animaux). De plus, la sulfadiazine est connue pour entraîner des complications dermatologiques et rénales et des précautions doivent donc être prises lorsqu’elle est prescrite.
Pourtant, les essais illégaux se poursuivent jusqu’en mars 2021, les équipes de l’IHU ne tenant aucun compte des inquiétudes exprimées par leurs pairs. De fait, plusieurs patients ont eu de graves complications médicales à cause du traitement expérimental du l’IHU, dont un mineur tchétchène de 17 ans. L’un des deux lanceurs d’alerte travaillant à l’IHU explique qu’il ne supporte plus « de voir des patients dont la guérison est plus longue, repartir chez eux et contaminer une famille, parfois des enfants, parce que le traitement n’est pas efficace. Didier Raoult utilise des patients, précaires et souvent étrangers, comme des cobayes. C’est inhumain ». Il confie que, « la goutte d’eau a été de voir deux patients finir en urgence au bloc opératoire pour des complications rénales qu’on aurait pu éviter. Ils sont roumains et ne porteront jamais plainte. Ils ne se doutent même pas qu’ils ont été utilisés pour des essais interdits ».
Or, en interne, personne n’ose affronter Didier Raoult, raconte un autre lanceur d’alerte, contraint d’appliquer le protocole expérimental de l’IHU. « Ces essais ont été menés en toute illégalité, et il fait porter la responsabilité sur les jeunes médecins et internes (…) La majorité d’entre nous dépend de Didier Raoult et de l’IHU pour la validation des diplômes. Nous sommes coincés dans une situation humainement intenable. » Or, rappelle « Mediapart », prescrire un traitement dans le cadre d’un essai non autorisé avec des risques de complications peut déclencher à la fois des sanctions ordinales prises par le conseil de l’Ordre (pouvant aller jusqu’à la radiation) mais aussi des poursuites pénales.
Interrogée, l’ANSM a confirmé que plusieurs études menées par l’IHU ne sont pas conformes à la législation et que « les suites adéquates sont initiées ». Ces informations de « Mediapart » s’ajoutent à celles publiées cet été par « L’Express » qui indiquaient déjà que l’IHU semblait avoir fait de ces « manquements » aux règles une « pratique courante ».
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