À la Une

Les anti-Covid que vous délivrerez demain

Par
Publié le 04/06/2021
Article réservé aux abonnés
Derrière l'offensive vaccinale, on les aurait presque oubliées. Les recherches engagées pour mettre au point des traitements curatifs du Covid sont pourtant nombreuses. Certaines, plus avancées que d'autres, font même espérer que des médicaments anti-Covid rejoindront bientôt les tiroirs des officines. Complétant alors utilement l'efficace mais incomplète protection assurée par les vaccins. Petit tour d'horizon d'un inventaire chimique porteur d'espoir.
Le molnupiravir rend le virus indétectable au bout de 5 jours chez les patients traités

Le molnupiravir rend le virus indétectable au bout de 5 jours chez les patients traités
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les pharmacies dispenseront-elles bientôt des « anti-Covid » ?

Après avoir développé des vaccins efficaces, l’industrie œuvre à la conception de médicaments curatifs dont l’intérêt tient au fait que les vaccins ne sont évidemment pas disponibles rapidement partout, qu’ils sont refusés par certains et qu’ils ne préviennent pas à 100 % la survenue d’un Covid clinique, notamment chez le sujet âgé et/ou plus vulnérable : les antiviraux peuvent ainsi réduire la sévérité de l’infection et le nombre de décès. Des antiviraux permettent déjà de traiter avec plus ou moins de succès des infections virales : il existe ainsi des traitements réduisant la sévérité de la grippe (oseltamivir, zanamivir), de nombreux médicaments enrayant la progression de l’infection par le VIH ou des antiviraux curatifs de l’hépatite C.

Le remdésivir (Gilead), seul antiviral indiqué contre le Covid, s’administre par IV à l'hôpital, à un stade avancé de l’infection, ce qui explique que les patients n’en tirent pas un bénéfice suffisant.

Une demande d'accorder une ATU en faveur de l'ivermectine, un antiparasitaire, pour traiter ou prévenir le Covid-19, a été rejetée fin mars par l'ANSM. Du fait de leurs limites méthodologiques, les études publiées ne permettent pas en effet d'étayer son intérêt clinique, en curatif ou en préventif du Covid-19 ; l'ANSM a néanmoins souligné la nécessité de mettre en œuvre de larges études cliniques scientifiquement rigoureuses en vue de conclure à sa possible utilisation.

Mais d’autres molécules font l’objet d’essais cliniques de phase 3 et ouvrent plus d’espoir.

Les essais en cours

Le molnupiravir (Merck/Ridgeback Biotherapeutics) a initialement été conçu pour traiter l’infection grippale par voie orale (deux prises/jour durant cinq premiers jours dès les premiers signes cliniques, lorsque la réplication virale est maximale). Découvert au début des années 2000 par des biologistes de l’université Emory (Atlanta) qui recherchaient des antiviraux actifs contre le VHC, ce dérivé nucléosidique cible l’ARN-polymérase virale. Il bénéficie d’une bonne tolérance et rend le virus indétectable au bout de 5 jours chez les patients traités, alors qu’il reste détectable chez 26 % de ceux du bras placebo. Les résultats d'essais sur près de 1 500 sujets supplémentaires sont attendus à l'automne.

Analogue de la guanosine, l’AT-527 (Roche/Atea Pharmaceuticals) perturbe lui aussi l’ARN polymérase du virus. Il est testé chez environ 1 400 participants en Europe et au Japon, dès l’âge de 12 ans. Ce médicament, qui s’administre également dans les cinq premiers jours suivant le début des symptômes cliniques, devrait être commercialisé courant 2022. Moins avancé, le PF-07321332 (Pfizer) a été développé spécifiquement contre le SARS-CoV-2 : il est testé chez environ 60 adultes, avec des résultats attendus d'ici fin juin.

Outre l’ARN polymérase, d’autres enzymes, comme les protéases du SARS-CoV-2. sont ciblées par les chercheurs. L’ARNm du coronavirus est transcrit en une polyprotéine ensuite scindée en protéines constitutives des futures particules virales. Ce clivage est opéré par deux protéases (3CLpro, PLpro) détachées auparavant spontanément de la polyprotéine. Le Laboratoire Pfizer a débuté un essai de phase I avec une nouvelle antiprotéase (PF-07321332) qui, administrée sous forme orale, ciblerait la 3CLpro.

Jadis utilisé pour traiter les infections des voies respiratoires sous le nom d’Octofène, le clofoctol s’est révélé actif contre le SARS-CoV-2 lors du criblage de milliers de composés. Son affinité pour des protéines se fixant aux ARNm, et donc possiblement au génome du virus, est peut-être un élément clé de son action antivirale. Après avoir été testée avec succès sur des cellules humaines en culture infectées par le SARS-Cov2, cette molécule a fait l’objet d’une étude préclinique sur des macaques en octobre dernier. L’institut Pasteur de Lille, qui la développe, a annoncé le début des tests dans le cadre du projet Therapide (voir ci-dessous).

Le nitazoxanide (Romark), une prodrogue du tizoxanide, exerce une action anticytokines, notamment vis-à-vis de l’interleukine-6, et donc anti-inflammatoire, et inhibe certaines fonctions mitochondriales exacerbées par l’infection, ainsi que des protéines du virus - notamment la protéine N autour de laquelle s’enroule son ARN. Les résultats d’un essai de phase III ont été publiés en avril : développé initialement contre des parasites intestinaux, ce composé a réduit le taux d’hospitalisation de 79 % et le taux de progression vers une forme grave de 85 % vs placebo.

Des avantages multiples

Parallèlement à la stratégie curative, ces antiviraux devraient également pouvoir être administrés en prévention, par exemple chez les proches d’un membre d'une famille infecté (c’est déjà le cas avec les antiviraux dirigés contre la grippe). Cerise sur le gâteau : il semble très probable que tous ces antiviraux s’avéreront efficaces contre les variants du coronavirus, ainsi que contre d'autres coronavirus, y compris - cela est particulièrement intéressant - à l’égard de certains encore inconnus aujourd’hui. C'est là un avantage conséquent comparé à d’autres types de traitements curatifs comme ceux reposant sur l’administration d’anticorps de synthèse qui, injectés par IV, sont de plus spécifiques du virus contre lequel ils sont dirigés et ont peu de chances d'être actifs contre de « nouveaux » coronavirus.

Ces exemples font fortement espérer pouvoir traiter prochainement le Covid-19, d’autant qu’ils représentent la seule partie émergée d’un iceberg rassemblant des milliers de publications portant sur de potentiels médicaments dont, selon des publications récentes, divers antidépresseurs utilisés de très longue date. Dans ce contexte, il serait surprenant qu’aucun de tous ces candidats ne franchisse les barrières des essais cliniques…

Nicolas Tourneur

Source : Le Quotidien du Pharmacien