Décidément, le Covid-19 aura vu rebattre de nombreuses cartes en quelques semaines.
Une controverse dans l’air du temps met en scène les AINS - et notamment l’un des plus populaires : l’ibuprofène - dont le positionnement dans le traitement des symptômes associés au Covid a fait en mars et avril dernier, on s’en souvient, l’objet de prises de position et de recommandations de nombreuses autorités de santé, tant nationales qu’internationales. Ce débat a pris naissance lorsque le récepteur membranaire de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) a été identifié comme fixant le virus et lui permettant d’entrer dans les cellules pulmonaires (publication de The Lancet, en date du 11 mars) : cette enzyme est exprimée principalement au sein du myocarde, des alvéoles pulmonaires, du système gastro-intestinal et du rein. L’ibuprofène comme d’autres AINS induit une surexpression de ce récepteur d’où l’intérêt porté par les pharmacologues aux conséquences éventuelles de l’usage de ce type de médicament. Un peu plus tard, un médecin français a décrit une aggravation de l’infection chez quatre enfants malades traités par l’ibuprofène. Tout ceci et d’autres observations plutôt anecdotiques ont conduit, en France, le Ministre de la santé a tweeté le 14 mars dernier : « La prise d’anti-inflammatoires (ibuprofène, cortisone…) pourrait être un facteur d’aggravation de l’infection. En cas de fièvre, prenez du paracétamol. Si vous êtes déjà sous anti-inflammatoires ou en cas de doute, demandez conseil à votre médecin ». Cet avertissement fut relayé par de nombreux médias dans un contexte parasité par l’émotion populaire que suscitaient la pandémie et la multiplication des fake news propagées par les réseaux sociaux. Ces informations ont conduit plusieurs pays européens à publier alors des communiqués rappelant qu’il n’existait pas de données scientifiques permettant d’affirmer que la prise d’AINS aggravait le Covid : ce fut le cas notamment en Autriche, en Espagne ou au Portugal.
Principe de précaution
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a quant à elle supporté la position française en précisant toutefois le 19 mars qu’elle ne déconseillait pas formellement l’usage de l’ibuprofène… Au-delà de la polémique, il faut avouer qu’en d’autres temps, sans la menace de la pandémie, ces observations n’auraient jamais été tenues comme des preuves suffisantes pour justifier un tel foisonnement de communiqués. Il est d’ailleurs bien connu que la prise d’AINS peut masquer certains symptômes d’infection et favoriser ainsi plus ou moins directement leur aggravation, comme l’avait rappelé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en avril 2019, bien avant donc que le coronavirus devienne la vedette médiatique que l’on sait. C’est donc là un principe de précaution évident : la position française était finalement marquée par la prudence quant à la prise d’ibuprofène de manière générale en cas d’infection, et elle n’était pas spécifique au Covid-19, situation particulière au cours de laquelle l’impact des AINS reste à démontrer.
Il est facile de consulter sur le site de l’AFIPA (association représentant des industriels qui produisent et commercialisent des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance), un argumentaire actualisé (dernière mise à jour le 27 avril) nourri des communications d’autorités de santé internationales ou nationales sur la question. Par exemple, le 14 avril, l’analogue britannique de notre Agence du médicament a souligné qu’il n’existait pas d’éléments probants indiquant que la prise d’AINS favoriserait l’infection par le coronavirus ou aggraverait les symptômes de la maladie. Ainsi, la position de nombreuses autorités sanitaires européennes suggère que la mise en garde formulée par le gouvernement français a probablement été un peu drastique. À la demande de l’ANSM, le Comité européen en charge de l’évaluation des risques et de la pharmacovigilance (PRAC) a analysé les données disponibles sur le risque de complications infectieuses et la prise d’AINS (ibuprofène, kétoprofène). Il a conclu en avril dernier que la prise de ces médicaments, quelle que soit la voie d’administration, peut entraîner, lors de certaines infections, un masquage des symptômes comme la fièvre ou la douleur, conduisant à un retard de prise en charge du patient avec pour conséquence un risque de complications de l’infection : en fait rien donc de bien original dans cet avis !
Ibuprofène : essai clinique dans le Covid
À contresens de la controverse, un essai clinique anglais randomisé en double aveugle, au nom évocateur de « Liberate », a été tout récemment mis en place. Il a précisément pour objectif de valider l’efficacité d’une formulation spécifique… d’ibuprofène sur les signes respiratoires associées à l’infection par le coronavirus - une option qui permettrait de réduire le risque iatrogène et le coût journalier du traitement. L’ambition des investigateurs est notamment d’éviter de devoir placer les patients sous respiration artificielle et leur travail repose sur des expérimentations favorables conduites chez l’animal. Mais il va falloir faire vite : l’épidémie s’essouffle en Europe et il va devenir prochainement difficile de recruter en nombre suffisant des patients. L’enjeu de cette étude reste pourtant de taille : une seconde vague pandémique ne peut être évidemment exclue dans les mois prochains et toutes les alternatives de traitement seront dans ce cas fort bienvenues, on l’imagine.
Alors, dans l’attente d’éléments probants, que faire et que dire au patient ? Le plus prudent reste à l’évidence de privilégier, en cas d’automédication, le paracétamol et non un AINS dans les cas suspects de Covid même s’il n’existe pas de preuves justifiant de contre-indiquer ce type de médicaments. C’est d’ailleurs cette stratégie qui ressort globalement de l’analyse des communiqués des autorités de santé internationales. Un consensus en faveur du principe de précaution.
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