LA CHASSE aux économies est ouverte. Les comptes sont dans le rouge et le déficit de la Sécu se réduit moins vite que prévu, vient d’expliquer la Commission des comptes de la Sécurité sociale. Dans ce contexte, pas besoin d’être devin pour comprendre que le gouvernement ira voir du côté du poste Médicament quelles économies supplémentaires il pourrait glaner. L’assurance-maladie et les syndicats d’officinaux misent, eux, sur une relance des génériques. Ils se sont ainsi mis d’accord sur une application stricte du principe « Tiers payant contre génériques » à l’ensemble des départements. Autrement dit, désormais, tout patient qui refuse un générique, sort l’argent de sa poche et adresse lui-même sa feuille de soins à sa caisse d’assurance-maladie. « Certains départements appliquent cette mesure ligne par ligne, d’autres considèrent que dès qu’un patient refuse un générique, il règle l’ensemble de l’ordonnance », précise Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Toujours pour redonner du souffle aux génériques, la mention « non substituable » devra désormais être apposée de façon manuscrite à côté du médicament prescrit et non plus pour l’ensemble de l’ordonnance.
Une mesure efficace.
Le principe de réserver le tiers payant aux patients qui acceptent les génériques n’est pas nouveau. Fin 2006, la CPAM de Paris le met en place dans la capitale pour booster le taux de substitution très en retard par rapport au reste du pays. L’idée fait des émules. Tant et si bien que les parlementaires inscrivent la mesure « tiers payant contre générique » dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007. Mais celle-ci est réservée avant tout aux zones géographiques n’ayant pas atteint le seuil d’une substitution à 65 %. Aujourd’hui, l’objectif est que l’ensemble des pharmacies françaises applique cette règle. « La dérogation à cette application était possible tant que le département était à un niveau de substitution élevé, ce qui n’est plus le cas pour aucun département », souligne ainsi l’USPO. « Dès à présent, les pharmaciens qui accepteront la dispense d’avance de frais pour un princeps s’exposent à un rejet et à un refus de paiement des factures concernées, par les caisses », précise également le syndicat.
Tout le monde doit donc s’y mettre, maintenant. Or certaines commissions paritaires locales (CPL), chargées de mettre en place le dispositif, ne se réuniront qu’au mois de septembre. Les syndicats les invitent à ne pas tarder et à se réunir au plus vite, au risque de prendre du retard dans la substitution. « Nous faisons tout pour corriger le tir, affirme Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Nous avions décidé en commission paritaire nationale une mise en place du dispositif par les CPL entre le 20 juin et le 15 juillet, car nous ne pouvons pas prendre le risque d’une distorsion entre les confrères. »
Disparités.
Mais pour l’heure, tout ne semble pas encore rentré dans l’ordre et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) s’inquiète des disparités d’application de la mesure. Au-delà des délais d’application, le syndicat relève que « les produits exclus du dispositif tels que le Fentanyl (sous TFR), la L-Thyroxine (conformément aux recommandations de l’AFSSAPS), les antiépileptiques et la buprénorphine (qui fera l’objet d’un suivi particulier) varient d’une caisse à l’autre sans que cela n’ait été précisé au niveau national. Enfin, d’autres caisses ont des interprétations très spécifiques de la mesure et remettent en cause des principes conventionnels fondamentaux ». Selon l’UNPF, certaines caisses primaires, en accord avec des syndicats locaux, s’affranchiraient de règles pourtant validées au niveau national. Par exemple, explique l’organisation professionnelle, lorsque la mention « non substituable » est correctement inscrite sur une ordonnance, le pharmacien peut faire bénéficier le patient d’une délégation de paiement. Ce qui ne semble pas être toujours le cas. L’UNPF, qui parle d’un « jeu de dupes », exige donc l’application de règles identiques à l’ensemble des départements, ainsi que des dates de démarrage rapprochées afin d’éviter toute distorsion de concurrence entre les officines.
Rattraper le retard.
Philippe Gaertner ne dit pas autre chose. Pour le président de la FSPF, il y a trois raisons de ne pas reporter l’application de la mesure à la rentrée. D’abord, le niveau du déficit actuel de la Sécurité sociale qui oblige à ce que chaque euro dépensé le soit le mieux possible ; ensuite, compte tenu des mesures envisagées sur le médicament (notamment des baisses de prix), augmenter le taux de substitution est l’un des seuls moyens de maintenir l’économie de l’officine sur l’année 2012 ; enfin, à la veille de la préparation de la loi de financement de la Sécu pour 2013, il est important de montrer à ceux qui vont la voter que l’implication commune des caisses et de la profession permet d’obtenir les résultats sur lesquels les deux parties s’engagent.
« Mieux vaut qu’au moment des débats parlementaires, à l’automne, les chiffres soient bons », estime également Gilles Bonnefond. « C’est le bon moyen d’écarter tout risque de TFR généralisé, qui détruirait l’économie officinale, et de dégager des marges de manœuvre pour financer les nouvelles missions des pharmaciens définies dans la convention pharmaceutique », ajoute le président de l’USPO. Cela signifie aussi autant d’effort en moins à faire sur le poste Médicament. « Les malades doivent comprendre que développer encore davantage les génériques, c’est limiter les déremboursements et les risques de non-accès à des traitements », argumente le président de l’USPO.
Pour les syndicats, il n’y a donc pas de temps à perdre. D’autant qu’à l’heure actuelle, le taux de pénétration des génériques, au niveau national, avoisine les 70 %. Pour Gilles Bonnefond, le calcul est simple : si la profession veut atteindre l’objectif fixé de 85 % à la fin de l’année, ce taux doit progresser de 7 ou 8 points d’ici à septembre. Et la mesure est particulièrement efficace. Par exemple, les Alpes Maritimes, dont le taux de substitution s’élevait à seulement 69 % début juin, enregistrent aujourd’hui un taux de 86 %. Un bond de 17 points en quatre mois ! Qu’on se le dise.
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