En 2017, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a enregistré 530 signalements de tension ou rupture d’approvisionnement pour des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM). C'est 30 % de plus qu’en 2016 et 10 fois plus qu'il y a 10 ans. En cas de pénurie, lorsque le prescripteur n'est pas joignable, le pharmacien pourrait, à l'avenir, être autorisé à proposer un équivalent thérapeutique. Les spécialités concernées devraient alors figurer sur une liste établie par l’ANSM. Cette proposition, qui figure dans la mission d'information du Sénat sur la pénurie de médicaments et de vaccins rendue public le 2 octobre, est bien accueillie par la profession.
Gain de temps et continuité des soins
« Le fait d'ouvrir la possibilité au pharmacien de substituer sans avis médical, sous certaines conditions, nous fera gagner du temps, assure Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Cela nous permettra également d’assurer la continuité des soins et de répondre aux attentes légitimes de patients confrontés à une rupture d’approvisionnement. » L'Union nationale des pharmacies de France (UNPF) salue également la proposition des sénateurs. « La mise à disposition d'une liste de spécialités substituables par le pharmacien en cas de tensions d'approvisionnement facilitera notre exercice », estime Vincent Kuntz, responsable de l'exercice professionnel pour l'UNPF.
Une substitution sous conditions
La loi autorise, depuis 1999, les pharmaciens à substituer un médicament générique à celui prescrit, sous certaines conditions. Pour l'ANSM, « il est également nécessaire de modifier la loi afin d'ouvrir aux pharmaciens la possibilité de proposer une substitution thérapeutique d'une spécialité en rupture ou en difficulté d'approvisionnement ». Dans ce cadre, pour proposer une alternative thérapeutique sans avis médical préalable, certaines conditions seront requises : « le pharmacien ne devrait pas pouvoir substituer n'importe quel médicament et devrait toujours informer le prescripteur. Le dossier médical partagé (DMP), qui contient le diagnostic précis du patient, aidera le pharmacien à effectuer cette substitution », indique Alain Delgutte, président du Conseil central de la section A de l'Ordre des pharmaciens.
Encadrer la pratique officinale
Aujourd'hui, en cas de rupture d'approvisionnement, quand le pharmacien n'arrive pas à joindre le prescripteur, « la seule solution est souvent, d'appeler le centre 15 ou d'orienter le patient vers un autre médecin en urgence », affirme Alain Delgutte. Mais, d'après Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), « en cas de pénurie et lorsque le prescripteur est injoignable, certains pharmaciens proposent déjà une alternative thérapeutique aux patients, de façon officieuse, sans sécurité juridique. Et cela notamment en cas de risque vital lié à un défaut de traitement ». Dans ce cas, les officinaux contactent, très vite, le prescripteur a posteriori. Ce dernier choisit alors de suivre leur préconisation ou de changer de traitement. « La proposition sénatoriale permettra d'instituer un cadre juridique pour cette alternative thérapeutique », résume Philippe Gaertner.
Sécuriser la production et tracer l'origine de la pénurie
Le rapport sénatorial propose également d'expérimenter, sur cinq ans, la mise en place d’exonérations fiscales pour favoriser l’implantation, en France, de sites de production de médicaments. « Le pharmacien sera bientôt habilité à substituer en cas de pénurie… mais ce que je souhaiterais, c'est qu'il n'y ait plus de pénurie ! Il faut réindustrialiser la France et éviter de dépendre d'entreprises étrangères pour la production de nos médicaments », affirme Gilles Bonnefond. Par ailleurs, l'Hexagone dispose aujourd'hui d'un outil (DP-Ruptures) qui vise à identifier l'origine d'une pénurie de médicaments. Mais les données recueillies « ne sont jamais exploitées », déplore Gilles Bonnefond. Pour tenter de résoudre ce problème, la mission sénatoriale propose de mettre en place (sur le modèle du DP-Ruptures) une plateforme d’information centralisée sur les situations et risques de ruptures, renseignée par l’ANSM, les laboratoires, les dépositaires, les grossistes-répartiteurs, les pharmaciens d’officine et d’hôpital. L'objectif : disposer d’informations actualisées sur les origines des tensions et ruptures et sur les dates prévisionnelles de retour des produits.
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