LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Au Royaume-Uni, la dispensation des médicaments à l’unité est généralisée. En pratique, comment procédez-vous ?
OLIVIER PICARD.- Auparavant, nous recevions les médicaments dans de grands bocaux que nous reconditionnions dans de petites bouteilles brunes, avec une étiquette qui précisait « à prendre à tel moment », « ne pas couper le comprimé », etc. Mais les lois ont changé, notamment en imposant de délivrer une notice d’informations avec chaque médicament. On reçoit encore des médicaments en vrac car nous faisons beaucoup de préparations de piluliers, mais la majorité est désormais conditionnée en boîte, dans des blisters. Nous délivrons tous les médicaments à la juste dose. Si un médecin prescrit tel médicament à prendre trois fois par jour pendant 5 jours et qu’il est conditionné en boîte de 21 comprimés, je coupe le blister pour retirer six comprimés, je mets le blister avec les 15 comprimés dans une boîte vierge, avec la notice d’information, et je colle une étiquette éditée par l’ordinateur qui rappelle la prescription. Avant nous utilisions des petits flacons bruns, maintenant nous achetons en quantité des boîtes vierges pour contenir les médicaments dans leur blister. Les six comprimés non utilisés restent dans leur boîte d’origine, dans mon rayon. Si j’ai une autre prescription du même médicament, qui nécessite encore 15 comprimés, soit je prends une nouvelle boîte dont je retire 6 comprimés, soit je délivre les comprimés restants de la première boîte, puis je prends une autre boîte pour en prélever 9. Pour les médicaments chers, dont la boîte coûte au moins 50 livres sterling (près de 70 euros), si le pharmacien n’a plus l’occasion de les délivrer alors que le médicament arrive à péremption, il peut demander à être payé. Nous délivrons la juste dose pour tout type de médicament, quelle que soit sa forme. Au quotidien, la délivrance à l’unité concerne 10 à 20 % de mon activité.
Des pharmaciens français sont hostiles à la dispensation à l’unité parce que c’est chronophage et parce que la traçabilité du médicament est amoindrie et engendre un risque de contrefaçon. Qu’en pensez-vous ?
La résistance aux changements est normale. Pour moi ce n’est pas chronophage car cela fait partie de mon travail, mais le système de délivrance est très différent au Royaume-Uni. La préparation de l’ordonnance se fait rarement au comptoir. Au moins 70 % des ordonnances que je traite sont des renouvellements que je suis allé chercher chez le médecin. Je les prépare en arrière-boutique et le patient vient chercher ses médicaments plus tard. Il faut aussi souligner le nombre de médicaments périmés rapportés en pharmacie, parfois même c’est la boîte complète, les pertes se chiffrent en milliards d’euros. Le médicament étant gratuit, et c’est ainsi en France comme au Royaume-Uni, les gens ont tendance à stocker. C’est un peu moins le cas pour les antibiotiques grâce aux campagnes nationales sur les résistances. Cela montre bien qu’il y a un message à faire passer. Quand la prescription est de cinq jours, il faut aller au bout des cinq jours. Quant à la traçabilité, il est certain qu’elle est moindre quand on déconditionne. La date et le numéro de lot figurent sur le blister, j’essaie toujours de donner la partie où ces informations sont visibles lorsque je découpe un blister.
Faites-vous de la délivrance à l’unité hors ordonnance ?
Non. Le cas ne s’est pas présenté mais le seul auquel je pense c’est une personne qui veut acheter à l’unité pour un besoin ponctuel et pour ne payer qu’un comprimé et non la boîte entière. On ne le fait pas, ça serait difficile à gérer de voir des gens qui viennent acheter un comprimé d’aspirine ou de paracétamol… Une seule fois j’ai délivré sans ordonnance une boîte de médicaments entamée. J’avais fait une délivrance à l’unité avec ce produit qui ne nécessite pas d’ordonnance mais qui avait été prescrit. Un client cherchait ce médicament et ne le trouvait dans aucune pharmacie. Je lui ai dit que je n’avais pas de boîte complète mais il était tellement content de trouver enfin ce produit qu’il l’a acheté en l’état. Je l’ai facturé au comprimé.
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