À COTONOU, au Bénin, à l’endroit-même où l’ancien président Jacques Chirac avait lancé son appel à lutter contre les médicaments falsifiés, les services douaniers ont récemment mis la main sur un conteneur plein de médicaments. Origine du chargement ? La France. Pourtant, depuis le 1er janvier 2009, le recyclage humanitaire des médicaments non utilisés (MNU) est totalement interdit dans l’Hexagone. Ce type de découverte n’est pas isolé, témoigne Jean-Marc Merle. Le président de Pharmacie Humanitaire Internationale (PHI) tire le signal d’alarme : « La situation est préoccupante. Plusieurs petites associations françaises continuent d’envoyer des médicaments, notamment en Afrique. Quelques confrères hors la loi, et sans doute pleins de bonnes intentions, alimentent ainsi un circuit parallèle, une filière française résiduelle. » Or savent-ils que cette activité, en contravention avec la loi, est passible de 30 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement ? Selon Jean-Marc Merle, dont l’association a su négocier le grand virage de l’humanitaire pharmaceutique, la preuve de cet échappement à la loi pourrait se retrouver dans les bilans d’activité de Cyclamed. En effet, depuis la mise en place de l’interdiction, les volumes traités par la filière de recyclage auraient dû, logiquement, croître sensiblement, explique-t-il en substance. « Or, cette année, s’étonne le président de PHI, la valorisation énergétique n’a même pas augmenté de 1 %. »
Des effets combinés.
Où sont passés les MNU ? Ils n’ont pas disparu, répond Thierry Moreau Defarges, président de Cyclamed, qui, sans contester la persistance possible d’un circuit parallèle du MNU, défend une autre interprétation des chiffres de la filière de recyclage. « Entre 2008 et 2009, la valorisation énergétique a augmenté de 8 %. Surtout grâce à l’importante campagne de communication que nous avons menée, mais aussi du fait de la récupération des MNU jusque-là destinés à l’humanitaire. Il est vrai, en revanche, que 2010 semble marquer le pas. Avec moins de 1 % à fin septembre, les volumes stagnent un peu. » Mais, pour le président de Cyclamed, l’humanitaire sauvage ne peut, à lui seul, expliquer ce ralentissement. La baisse de volumes a, selon lui, plusieurs explications : d’abord les quantités de médicaments vendus en France ont cessé de progresser, un phénomène notamment lié à l’efficacité des campagnes sur le bon usage du médicament menées par l’industrie pharmaceutique. Les messages finissent par passer dans la population. « Par ailleurs, explique Thierry Moreau Defarges, nous avons réduit de moitié les investissements dans notre campagne TV, ce qui n’est peut-être pas indifférent à cette inflexion de la courbe. » Enfin, souligne-t-il, il faut se rappeler que les MNU destinés à l’humanitaire ne représentaient, avant leur interdiction, que 2 à 3 % des 12 500 tonnes récupérées par Cyclamed.
Un usage humanitaire sous conditions ?
Le circuit parallèle du MNU serait-il alors un mythe ? Pas sûr. Même, Thierry Moreau Defarges en convient : « Si globalement ce type de comportement a pratiquement disparu, il restera toujours quelques pharmaciens bien intentionnés pour répondre à la sollicitation d’un ami médecin ou d’une association. » Il y a une explication à cela, estime le président de Cyclamed, « il faut reconnaître que l’interdiction du recyclage humanitaire, dont je suis l’un des promoteurs, va contre le réflexe humain qui consiste à refuser de jeter un produit neuf, emballé et inutilisé. Il y a là comme un paradoxe sur lequel, personnellement, je suis prêt à réfléchir. » C’est-à-dire ? « Ne pourrait-on envisager l’idée d’un nouveau projet humanitaire, autour de quelques rares associations agréées, telles PHI ou l’Ordre de Malte, qui ne traiteraient que des formes sèches en boîtes neuves non périmées, et portant une preuve de leur inviolabilité ? », s’interroge Thierry Moreau Defarges, pour qui la loi est « peut-être passée trop vite et de façon trop absolue ».
Le patron de Cyclamed le reconnaît, l’idée est audacieuse. Et si elle faisait un jour son chemin, une telle réforme prendrait du temps et trouverait sans doute autant de partenaires que de détracteurs.
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