POUR LES MÉDECINS libéraux, c'est une petite révolution. Le texte instaurant le contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) est paru au Journal officiel du 21 avril. Avec ce contrat, qui les lie individuellement à l'assurance maladie et qu'ils pourront signer dès le mois prochain, les praticiens s'engagent dans un système de rémunération à la performance. Un procédé qui existe déjà dans les pays anglo-saxons. Cet engagement volontaire porte sur des critères fixés après recommandations des autorités sanitaires. Concrètement, les médecins signataires doivent atteindre différents objectifs en matière de prévention (vaccination contre la grippe, dépistage du cancer du sein et iatrogénie médicamenteuse) et de prise en charge de pathologies chroniques (diabète, hypertension artérielle). Il leur est également demandé de tenir certains engagements sur leurs ordonnances. Ainsi, les médecins devront-ils maîtriser leurs prescriptions de benzodiazépines à demi-vie longue et de vasodilatateurs. L'objectif final étant de rester sous la barre des 5 % pour les premiers, et de 7 % pour les seconds, s'agissant de leur patientèle âgée de plus de 65 ans.
Plus de 4 000 généralistes en 2009.
Pour convaincre les médecins d'entrer dans la ronde, la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) a mis les moyens. Des bonus annuels leur seront attribués au prorata de leurs performances. Dans le meilleur des cas, celui où tous les objectifs sont remplis, un médecin traitant touchera donc 7 euros par patient suivi. Si l'on considère une moyenne de 800 patients, la rémunération supplémentaire atteindrait donc 5 600 euros chaque année. Mais combien de praticiens saisiront cette carotte tendue par l'Assurance-maladie, avec le soutien du gouvernement ? La CNAM table sur 4 000 à 5 000 médecins en 2009, soit 10 % de l'effectif des omnipraticiens.
Selon le médecin-conseil national Hubert Allemand, cette mesure va notamment permettre d'optimiser les consultations par la « méthode des petits pas ». Si chaque généraliste améliore le suivi de l'hémoglobine glyquée chez 4 diabétiques par an, cela fait 625 000 patients qui seront mieux suivis, comptabilise le Pr Allemand dans les colonnes du « Quotidien du Médecin » (édition du 23 avril).
Quoi qu’il en soit, les syndicats de médecins se montrent très réservés, voire fermement opposés à cette mesure. Pour eux, elle a été prise alors qu'une négociation conventionnelle avec les représentants professionnels n’avait pu aboutir.
Les pharmaciens réservés.
Point d’achoppement pour les syndicats de médecins : la signature individuelle et volontaire des contractants. Sur cet aspect fondamental, les organisations médicales reçoivent le soutien unanime de leurs collègues pharmaciens de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), de l'UNPF (Union nationale des pharmacies de France) et de l'USPO (Union des syndicats de pharmaciens d'officine). Pour ces trois structures représentant l'officine, la signature de contrats individuels sans ratification collective préalable est le signe d'un échec des négociations. Ils n'en voudraient pas pour la pharmacie. Rappelons en effet que la convention pharmaceutique nationale a d'abord été signée par les syndicats, avant d'être proposée à chaque confrère. « Les médecins sont pris au piège de cette pratique qui les montre du doigt », estime Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO. Selon lui, il n'est pas « illégitime que l'assurance maladie cherche des solutions pour améliorer la prise en charge et faire des économies ». Mais elle s'y prend mal. « Il faut maintenant dépasser le cap des accords spécifiques à chaque profession, affirme Gilles Bonnefond. L'assurance maladie doit réfléchir aux moyens d'impliquer tous les professionnels de santé dans la coordination des soins, sur des sujets comme l'asthme ou le diabète ».
Un précédent gênant pour l’officine.
En tout cas, le représentant de l'USPO ne comprend pas pourquoi les médecins perçoivent « une prime pour travailler comme il faut ». « Nous, pharmaciens, ne nous sommes jamais retrouvés dans une telle situation », considère Gilles Bonnefond. Le président de l'UNPF, Claude Japhet, est sur la même longueur d'onde. « Prescrire dans le répertoire des génériques, c'est la nature même de ce que devrait être la prescription, estime t-il. On paie donc une seconde fois la qualité de la prescription ».
Pour Gilles Bonnefond, la faute revient d'abord à certains industriels qui ont trop appuyé, en visite médicale, la prescription en dehors du répertoire des génériques. Étant donné le taux de substitution actuel, le représentant syndical pense que les CAPI auront une « relative neutralité » sur l'économie de l'officine. À la FSPF, Philippe Gaertner se félicite de l'engagement des médecins en faveur des médicaments du répertoire des génériques, même si les taux de substitution sont maintenus à haut niveau d’abord grâce aux pharmaciens. Et le président de la Fédération de prévenir : « Nos efforts se poursuivront pour éviter que cela ne retombe. Mais si, à cause des CAPI, l'État devait toucher aux remises ou utiliser à outrance le TFR (Tarif forfaitaire de responsabilité, NDLR), il y aurait rupture de notre engagement envers lui et nous n'encouragerions plus nos confrères à soutenir le générique ». L’avertissement est clair.
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