CONTEXTE de restriction budgétaire, baisse des dépenses de la Sécurité sociale, déremboursement de certaines spécialités… Bien des épées pèsent sur la tête de l’homéopathie en France. Son efficacité est mise en doute par quelques « poids lourds » de la profession médicale. L’Académie nationale de médecine, dans un communiqué du 29 juin 2004, prônait ainsi la suppression de la prise en charge des produits homéopathiques par l’assurance-maladie et, plus récemment, la revue « The Lancet » publiait une étude assimilant l’effet de l’homéopathie à un effet placebo. Sans parler des baisses successives de remboursement que ces médicaments ont subi, de 65 % à 35 % à la fin de l’année 2003, pour atteindre, depuis mai 2011, un taux de 30 % (au même titre que les médicaments à vignette bleue).
La polémique n’est cependant pas nouvelle et l’affrontement entre pro et anti homéopathie fait long feu. Cette méthode thérapeutique, il faut dire, n’est pas sans présenter quelques paradoxes : des préparations qui n’ont pas fait la preuve indéniable de leur efficacité thérapeutique mais qui peuvent bénéficier d’un statut de médicament, des souches dont le principe actif, a contrario, est obtenu par dilutions infinitésimales, une discipline pointée du doigt, mais qui est pratiquée par quelque 5 000 médecins… Et que dire des patients dont un nombre croissant semble avoir choisi l’homéopathie pour se soigner ? À cette question, Boiron répond au moyen d’une étude menée par l’institut IPSOS, au mois de janvier 2012, et qui désigne comme utilisateurs de médicaments homéopathiques 56 % des Français, 36 % témoignant d’une utilisation régulière. Ce dernier chiffre, en nette hausse, répond au niveau de confiance des interviewés, dont 77 % déclarent faire plutôt ou tout à fait confiance à cette médecine. Un niveau comparable au crédit accordé aux médicaments antidouleur, et même supérieur à celui qu’inspirent les antibiotiques et les antidépresseurs.
Sécurité.
Un score prometteur pour l’homéopathie, dont les chiffres, par ailleurs, suivent une courbe ascendante depuis plusieurs années. « Annuellement, le marché enregistre des progressions de 5 % à 6 % de son chiffre d’affaires, rapporte Marc Bouchu, directeur marketing du groupe Boiron. Mais, ces derniers temps, la tendance s’est accentuée. » Pour atteindre une hausse de 10 % en valeur pour les spécialités à nom commun (unitaires) et 6 % pour les spécialités à nom de fantaisie (marques grand public).
Les scandales successifs qui, depuis quelque temps, frappent certaines références notoires du répertoire allopathique contribueraient-ils à cet engouement ? La tendance marquée des consommateurs pour des produits plus sécurisants ou d’origine naturelle, ne jouerait-elle pas également en faveur de l’homéopathie, faisant le lit des médecines dites alternatives ? Certainement, répond Boiron, à quelques nuances près tout de même. « Les polémiques liées aux médicaments ne créent pas la demande en produits homéopathiques. Elles ne font que la catalyser. Ce mouvement, sensible au niveau national, s’inscrit cependant dans une tendance qui se précise fortement dans le monde depuis 5 ou 6 ans et qui privilégie des méthodes moins invasives et l’absence d’effets secondaires. »
D’autres acteurs du marché de l’homéopathie font clairement le lien entre nature et médication. Sevene Pharma prône le concept de Pharm’écologie en présentant des médicaments homéopathiques élaborés à partir de ses propres cultures de plantes biologiques. Le laboratoire propose d’aborder la maladie par le biais d’une régulation globale basée sur l’interaction des différents systèmes du corps. Préventifs et curatifs, ses remèdes naturels visent les sphères neurovégétatives (Calmodren), circulatoire (Vascoflor, Vascodran), digestive (Digeodren, Digeoslor), urogénitale (Urodren, Urocalm) et respiratoire (Spirodrine, Spirosev). Weleda, pour sa part, cultive de longue date son engagement envers l’homme et la nature. Dans ce cadre, le laboratoire référence une gamme de médicaments homéopathiques unitaires, des préparations magistrales unitaires ou complexes, ainsi qu’une gamme de spécialités OTC aux indications diverses : stress et troubles du sommeil, pathologies hivernales (Infludo), pathologies digestives, rhumatologie et traumatologie bénigne (Arnicagel), pathologies allergiques et irritations oculaires (lancement de Euphrasia 3DH en unidoses). Le laboratoire Ferrier (groupe Arkopharma), enfin, revendique sa double appartenance au marché des unitaires et au marché des spécialités OTC avec 6 AMM : aphtes (Aftosium), stress et anxiété (Anxietum), nausées et vomissements (Nausetum), allergie (Polyrhinium), sevrage tabagique (Tabapass), troubles du sommeil (Noctium). Deux nouveaux médicaments, issus des formules de l’abbé Chaupitre, devraient être présentés cette année.
Deux marchés distincts.
Stéphane Lehning, directeur du laboratoire éponyme, distingue deux grandes motivations qui animent les patients aujourd’hui : se soigner rapidement et efficacement, d’une part, ne pas engager son capital santé dans le temps à cause des médications, d’autre part. « Il existe une attente de plus en plus pressante du public qui souhaite se prendre en main à l’aide de produits efficaces et sains, sans effets secondaires, sans substances chimiques. La demande émane souvent de femmes de catégorie socioprofessionnelle supérieure qui cherchent à soigner sa famille sans engager sa santé. Il n’est pas rare que cette population évoque avec son médecin généraliste l’existence d’une alternative à son traitement habituel, une thérapeutique préventive ou complémentaire qui puisse garantir sa santé à long terme. » Pour répondre à ces attentes, Lehning mise essentiellement sur les spécialités à vocation OTC. L52 voué aux états grippaux, L72 ciblant les troubles du sommeil, Biomag sur le segment de l’anxiété et de la fatigue, et Sinuspax, traitement de la sinusite, sont les plus notoires. Lergypax, sa toute dernière spécialité, est un comprimé orodispersible destiné au traitement de la rhinite allergique. « Le versant homéopathique des spécialités grand public est amené à se développer, poursuit Stéphane Lehning. Tout simplement parce qu’il suit la tendance de son marché réel qui est celui des médicaments OTC. »
L’avenir, selon lui, est moins prometteur pour ce qui est du segment des unitaires, les spécialités à nom commun. « De nombreuses souches ont des difficultés à obtenir leur autorisation de mise sur le marché. » À cela s’ajoute la faible marge que dégage le tube dose pour une mise en œuvre qui peut s’avérer compliquée. « Souvent vendu à moins d’un euro, le produit doit être fabriqué le jour même et peut parcourir un long trajet avant d’être livré. » En France, en effet, plusieurs dizaines d’établissements exécutent les préparations homéopathiques pour le compte du pharmacien. Certains sont des officines bien connues, d’autres fournissent l’industrie homéopathique, comme le fait le laboratoire Rocal pour Lehning. L’auteur du L52 distingue le marché de l’OTC du marché de l’homéopathie, qui ne peut se concevoir qu’en termes de doses unitaires, car ce sont elles qui constituent le cœur de l’activité. Des préparations réalisées sur mesure selon le principe de l’individualisation, associations uniques puisées au sein des 3 000 souches homéopathiques existant en différentes hauteurs de dilution. Mais il comprend aussi des souches homéopathiques sous forme unitaire, dont plusieurs dizaines sont couramment demandées. Au total, les spécialités à nom commun génèrent tout de même plus de la moitié des ventes de produits homéopathiques et connaissent une ascension non négligeable. Boiron, qui a fait de l’unitaire sa spécificité, renchérit : « L’homéopathie relève aujourd’hui d’une vision pragmatique qui ne peut plus être dissociée de la médecine. Elle est souvent prescrite par des médecins généralistes, et de plus en plus prise en charge par les mutuelles. En outre, la dose unitaire est un excellent outil de conseil thérapeutique, très bien adapté aux nouvelles responsabilités du pharmacien. » Quant à ses spécialités grand public (Oscillococcinum, Sédatif PC, Camilia), le laboratoire les considère également sous l’angle du marché OTC.
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