Le même scénario se reproduit chaque jour. Après quelques heures calmes en début d'après-midi, la pharmacie s'anime à partir de 16 heures. À 18 h 00, tous les comptoirs sont occupés et l'équipe s'agite dans tous les sens, passant du back-office au front office, prenant les appels téléphoniques au vol tout en se déplaçant les bras chargés de boîtes de médicaments.
Julien aime ce moment de la journée où il faut agir vite pour désengorger la pharmacie, tout en faisant son métier de conseil et d'accompagnement. En face de lui, un patient se présente avec trois ordonnances, dont une prescription d'adalimumab. L'homme, la cinquantaine, est traité pour une maladie de Crohn depuis plusieurs mois. Le traitement semble lui convenir ; les crises se sont espacées.
- J'espère que vous ne me changerez pas ce médicament, dit soudain le patient à Julien.
- Pourquoi voulez-vous qu'on le change ? Le médecin vous en a parlé ? répond Julien, surpris par cette réflexion.
- À la radio, on parle de ces traitements et de la possibilité de les remplacer par des génériques. Certainement pas. Ce n'est pas que je vous fais pas confiance, mais je ne veux pas prendre le risque de changer alors que tout va bien. Ah ! Ils ne savent pas combien cette fichue maladie est pénible, à la Sécu…
Non, nous ne changerons pas votre médicament, ni cette fois ni la prochaine. C'est vrai qu'il existe des médicaments similaires, mais c'est au médecin qui prescrit que revient le choix d'y avoir recours, répond Julien sans s'étendre sur le sujet ni expliquer la différence entre générique et biosimilaire.
- Tant mieux. Moi, les génériques, je n'ai rien contre. Mais quand un traitement fonctionne, pourquoi le changer ? Qu'ils mettent tous les médicaments au même prix s'ils veulent faire des économies à la Sécu. Sur ce, à bientôt jeune homme.
L'homme quitte la pharmacie, qui s'est vidée aussi vite qu'elle s'était remplie deux heures auparavant.
Julien s'approche de Juliette, absorbée par un dossier.
- Si on nous donnait la possibilité de substituer l'adalimumab, tu le ferais ?
La jeune adjointe relève la tête :
- Oui, à partir du moment où je peux m'appuyer sur un référentiel. Un biosimilaire est similaire à son médicament de référence. Je ne vois pas de problème. Mais ça n'est pas dans l'air du temps à en lire « le Quotidien ».
Karine s'approche. Elle a entendu la conversation.
- Eh bien moi, je préfère laisser le changement de médicament au prescripteur. Je ne veux pas retomber dans le même schéma, les mêmes obstacles qu'avec les génériques. Je préfère dépenser mon énergie à expliquer le traitement, veiller à ce qu'il soit bien toléré…
Juliette la regarde, à la fois étonnée mais curieuse d'en savoir plus sur la position de la titulaire. Juliette et Julien n'ont pas connu les premières années de la substitution par le générique, ni toutes les étapes difficiles qu'il a fallu franchir pour faire accepter cette démarche.
- On en reparlera. Mais je n'ai jamais estimé que la substitution était une solution satisfaisante pour les patients : pour la Sécu, pour nous les pharmaciens, mais pas pour les patients… Alors que d'autres s'y collent, mais pas les pharmaciens cette fois-ci.
(À suivre…).
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