DEVREZ-VOUS bientôt ranger vos mortiers, pilons et géluliers dans le placard du fond, celui de la réserve ? Si l’on en croit le décret paru au « Journal officiel » le 24 octobre dernier (décret n° 2009-1283 du 22/10/09), ce pourrait bien être le cas. En effet, ce texte, dans lequel la profession avait surtout vu une réforme de la sous-traitance, comporte d’autres dispositions potentiellement délétères sur la pratique commune de la préparation. Explications.
Le décret du 24 octobre 2009 contient bien des dispositions concernant l’activité de sous-traitance de préparations, mais aussi celles relatives à l’activité d’exécution de préparations stériles ou dangereuses. En clair, pour réaliser ce type de préparations, les pharmaciens doivent désormais disposer d’une autorisation délivrée par les agences régionales de santé, dit le texte. Autorisation dont la demande pouvait être déposée jusqu’au 24 avril 2010… Pensant ne pas être concernés, les officinaux sont peu nombreux à avoir fait la démarche. Et c’est là que le bât blesse. Car depuis la parution en 2007 d’une nouvelle classification, les préparations dites dangereuses ne concernent plus seulement les matières premières cancérigènes ou mutagènes, mais aussi des substances beaucoup plus banales du préparatoire classées comme nocives, corrosives ou irritantes (acide salicylique, collodion ou argent nitraté, par exemple). « Aujourd’hui, on se retrouve donc dans cette configuration paradoxale où la plupart des officines qui réalisent des préparations sont dans l’illégalité, déplore ainsi la présidente de l’Ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot. C’est l’enchevêtrement de trois textes qui est l’origine de cette situation. »
Les sous-traitants avaient sonné l’alarme.
« Nous avions pourtant tiré le signal d’alarme », se rappelle le titulaire, Fabien Bruno, de la Pharmacie Delpech à Paris. La nouvelle donne de la sous-traitance, inscrite dans le décret d’octobre, n’avait pas échappé à cet acteur expérimenté de la préparation magistrale. « Nous avons bien sûr déposé en temps et en heure, et obtenu, notre autorisation d’activité de sous-traitant. Mais aussi, dès l’automne, nous avions relevé le problème que poserait l’exigence d’autorisation pour la manipulation des substances stériles et dangereuses. » De fait, plusieurs sous-traitants avaient déposé un recours fin 2009 auprès du ministère de la Santé pour modifier le décret*. Recours qui s’était soldé par une fin de non-recevoir, regrette Fabien Bruno. « Intellectuellement je refuse que mes confrères pharmaciens, qui réalisent une préparation par semaine, ne puissent plus aujourd’hui préparer une vaseline salicylée sans se mettre en infraction ».
La même colère, et les mêmes arguments sont aujourd’hui exprimés par le groupe de travail sur la préparation officinale pour qui les « autorités doivent donner les moyens aux pharmaciens d’effectuer les préparations et remettre rapidement de la cohérence entre les principaux textes parus séparément en 2007, 2008 et 2009 ».
Un enchevêtrement de textes.
Pourquoi la profession a-t-elle attendu la mi-mai, - soit près de trois semaines après la date de forclusion des dépôts de demande d’autorisation - pour lever le lièvre du décret inapplicable ? La question dérange quelque peu. Mais l’une des raisons majeures du retard de réaction tient dans la confusion et l’enchevêtrement des textes désormais en vigueur, explique en substance Isabelle Adenot. « En outre, le caractère dangereux des produits reclassés après la décision européenne a été compris par les confrères comme "dangereux pour le patient", or il fallait comprendre "dangereux pour l’exécutant de la préparation"… ».
La démarche entreprise par les autorités pour sécuriser la préparation n’est, bien sûr, pas remise en question par la présidente de l’Ordre. « Pour autant, il ne faut pas aller dans un excès qui rendrait impossible la pratique de la préparation », déclare-t-elle au « Quotidien ». Voilà d’ailleurs pour l’essentiel ce qu’elle a signifié lors de ses derniers contacts avec le ministère de la Santé. Ses priorités ? Obtenir, a minima, que les pharmaciens puissent encore déposer leurs demandes d’autorisation et que les normes imposées aux préparatoires ne soient pas incompatibles avec la pratique des préparations classiques.
Un délai supplémentaire.
Quant au pronostic sur le succès de sa démarche, Isabelle Adenot se dit plutôt optimiste. « Cela devrait se régler assez vite. Le but du ministère n’étant évidemment pas que les pharmaciens ne puissent plus faire de préparation. » Pronostic raisonnable, à en croire le ministère interrogé sur la question : « Nous sommes conscients du problème, non enverrons très prochainement une lettre d’instruction aux directeurs des Agences régionales de santé pour leur demander d’accepter encore pour quelque temps les demandes d’autorisation déposées par les pharmaciens », indiquent les services de Mme Bachelot. Une même souplesse a par ailleurs été demandée aux inspecteurs de la pharmacie lors des visites des préparatoires.
Sursis accordé, donc. Mais attention, les pharmaciens ne doivent pas se croire dispensés d’autorisation, insiste le ministère. Les officinaux ont obtenu un délai supplémentaire, certes, mais la nécessité de détenir une autorisation pour utiliser leurs préparatoires n’est pas remise en cause. Qu’on se le dise.
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