ENTRE 8 ET 10 % du marché pharmaceutique mondial serait constitué de faux médicaments, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce qui représenterait environ 75 milliards d’euros de bénéfice pour les fraudeurs. Alors que les faux médicaments étaient représentés de façon marginale dans les saisies de contrefaçons avant 2010, leur trafic explose depuis. En Europe, environ 3 millions de médicaments ont été interceptés en 2010, sur un total de 103 millions d’articles de contrefaçon saisis, soit 3 %. Dans le monde, 5 à 10 % des échanges internationaux seraient le fait de la contrefaçon, tous produits confondus. Et la copie ne concerne plus seulement les produits de luxe. Elle atteint tous les secteurs d’activité, des jouets aux produits électroniques, en passant par l’alimentation. Récemment, 20 000 éthylotests contrefaits provenant de Chine ont été saisis, alors que les automobilistes français auront bientôt l’obligation d’en détenir un dans leur voiture. Actuellement, la tendance est à la contrefaçon de produits d’hygiène et de soins corporels (déodorants, savons, shampoings, etc.). Mais le trafic de faux médicaments est également en plein essor.
« La contrefaçon de médicaments nous concerne tous. C’est une activité frauduleuse sans frontières, même si l’Asie et l’Afrique sont les plus touchées, souligne Philippe Peyre, secrétaire général de Sanofi. La France reste relativement préservée pour le moment car des personnes qualifiées doivent contrôler les médicaments à toutes les étapes de distribution et parce que nous avons un bon système de Sécurité sociale. Cependant, même dans nos pays occidentaux, le risque de contrefaçon reste important pour les achats de médicaments sur Internet. Aux États-Unis, la contrefaçon a été presque multipliée par dix entre 2000 et 2010, avec la légalisation de la vente en ligne de médicaments ».
Conséquences économiques et humaines.
Les industriels du médicament s’inquiètent du changement de nature des médicaments contrefaits. Alors qu’elle concerne généralement les médicaments dits "de confort", la contrefaçon de médicament porte de plus en plus sur des traitements de pathologies plus graves comme les anticancéreux ou les traitements pour les maladies cardio-vasculaires, qu’ils soient délivrés en ville ou à l’hôpital. « Les conséquences peuvent être individuelles ou collectives, par exemple si un antibiotique falsifié provoque des résistances bactériennes », souligne Philippe Peyre. La contrefaçon est également lourde de conséquences sur la confiance du public envers les médicaments, d’autant plus que « généralement, le malade ne sait pas qu’il prend un médicament dangereux », remarque-t-il. Les contrefaçons de médicaments peuvent prendre plusieurs formes, avec des effets différents et plus ou moins dramatiques. « Le médicament contrefait peut avoir un mauvais dosage, être sur- ou sous-dosés, détaille Christian Peugeot, président d’UNIFAB. Il peut être dépourvu de principe actif, et n’avoir aucun effet sur la maladie, mais heureusement, aucun effet secondaire non plus. Le cas le plus grave, c’est quand la contrefaçon contient un produit toxique qui peut entraîner des effets graves, pouvant aller jusqu’à la mort. »
Et les exemples ne manquent pas pour illustrer le fléau sanitaire représenté par ces contrefaçons. En 2009, au Nigeria, 84 enfants ont perdu la vie à cause d’un sirop de paracétamol frelaté. En 2006, en Chine, un antipaludéen contrefait a également fait de nombreuses victimes. « En Afrique, les chiffres font état de dizaines de milliers de morts, dénonce Christian Peugeot. Les contrefacteurs sont des gens organisés, puissants. C’est une activité criminelle qui fait aussi prospérer le travail clandestin, le travail des enfants et qui est de plus en plus utilisée pour blanchiment d’argent provenant de divers trafics. »
Impliquer les patients.
Enfin, la contrefaçon a également des conséquences économiques. « Elle ne fait que des perdants, estime le président d’UNIFAB. Tout d’abord le consommateur final, qui est le "dindon de la farce", car il n’achète pas ce qu’il pensait acheter, ensuite les entreprises, qui subissent des pertes économiques importantes, et enfin les États, qui perdent une grande partie de leurs ressources fiscales », énumère Christian Peugeot.
Pour lutter contre ce fléau, les industriels s’organisent, en partenariat avec les États et les services des douanes, de police et de gendarmerie. En janvier, dernier, un conseil stratégique des industriels de santé a eu lieu, afin de définir les priorités pour les années à venir. « Nous avons prévu le déploiement de mesures permettant de renforcer la coopération internationale et nationale entre les services de lutte contre la contrefaçon, explique Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, qui rassemble les industriels français du médicament. Nous allons également lancer des campagnes de sensibilisation du public, notamment avant les départs en vacances d’été, pour les alerter sur les dangers de l’achat de médicaments à l’étranger. Nous avons aussi mis en place une unité de vigilance anti-contrefaçon des produits de santé, afin d’établir une cartographie de la menace. Par ailleurs, les autorités françaises se mobilisent pour étendre la convention Médicrime, destinée à combattre la contrefaçon des produits médicaux, pour mettre en œuvre la directive européenne sur les médicaments falsifiés et pour réviser le règlement douanier. » Selon lui, « il faut maintenant que les patients, notamment via les associations de patients, s’impliquent dans cette lutte. Ils doivent en être partie prenante, car la contrefaçon les concerne en premier lieu », conclut-il.
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