Si la maison de briques abritant le « centre de conseil vidéo Doc Morris » n’a guère changé depuis la fermeture de l’ancienne pharmacie, les locaux intérieurs n’ont plus grand-chose à voir avec une officine. Une grande table plutôt conviviale, avec plusieurs chaises, meuble la pièce principale, repeinte aux couleurs de Doc Morris, le vert et le blanc.
À peine suis-je entré qu’une jeune femme habillée aux mêmes couleurs me souhaite aimablement la bienvenue et me demande ce qu’elle peut faire pour moi. Je lui explique que je traîne une toux rebelle consécutive à un refroidissement et que j’aimerais trouver de quoi m’en débarrasser. Elle me propose de passer dans la pièce voisine, pour une consultation vidéo avec une conseillère installée à Heerlen, aux Pays-Bas. Me voici connecté, par écran et Web cam interposés, avec une autre « conseillère » en vert et blanc, qui s’enquiert en détail de ma toux, de mes autres symptômes et des médicaments que je prends. Elle me conseille de mieux humidifier ma gorge en buvant plus d’eau et de sucer des bonbons pour la toux, avant de me recommander de retourner voir mon médecin. Elle ne m’a proposé aucun produit, et l’entretien s’achève très courtoisement par des merci, au revoir et à une autre fois.
Si j’avais acheté un produit, elle aurait activé, depuis Heerlen, l’imposant automate dont le clapet de distribution se trouve à côté de moi, derrière une vitre, et qui peut distribuer sur place plus de 3 000 spécialités. À côté de l’installation vidéo, un terminal de paiement permet à l’acheteur de régler ses achats, par carte ou en espèce. Sur les murs, deux affichettes précisent clairement qu’il est « interdit de filmer et de photographier ».
La « consultation » terminée, je retourne dans la pièce principale. Toujours aimable, la première conseillère ne souhaite pas, néanmoins, faire trop durer la conversation : « Non, nous ne pouvons pas honorer d’ordonnances », dit-elle d’un ton neutre. Elle me tend le catalogue « printemps été » de Doc Morris, qui reprend toutes ses offres et présente toutes ses réductions, promettant sur certains OTC « jusqu’à 35 % d’économies ». J’ai été le seul « client » du « centre de conseil » qui, d’ailleurs ne semble pas attirer les foules. Il est vrai qu’Hüffenhardt, en cette fin de matinée, paraît plutôt vide. Plusieurs commerces ont récemment tiré leur rideau, dont la boucherie, et d’autres s’inquiètent pour leur avenir. Pour le gérant d’un magasin de bières et de boissons, non loin de là, ce sont les nouveaux centres commerciaux qui ont poussé aux portes des petites villes voisines qui ont tué les commerces de proximité : « ils appartiennent à des grands groupes, et nous ne pouvons plus nous aligner face à leurs volumes », déplore-t-il, en constatant que les magasins de boissons, comme les boulangeries et les boucheries, sont aujourd’hui les commerces qui disparaissent le plus rapidement.
Les pharmacies de proximité menacées
À Bad Rappenau, la ville la plus proche, deux pharmacies au design un peu désuet voisinent dans un centre-ville plutôt assoupi. C’est l’heure du déjeuner, les magasins travaillent en continu, mais les clients sont rares, y compris dans les officines.
Plusieurs pharmaciens du secteur ont entrepris des démarches, avec le soutien de l’Ordre, pour que le « centre vidéo » cesse toute activité : « on ne vend pas des médicaments comme des bonbons, et, même pour les OTC, il faut des compétences qu’il n’a pas », explique leur porte-parole. Les Ordres de plusieurs autres Länder, bien qu’ils ne soient pas compétents dans le Bade-Wurtemberg, réclament eux aussi la fermeture du centre, au nom de l’ensemble de la législation pharmaceutique, incomplètement respectée selon eux. De plus, expliquent plusieurs responsables nationaux, « Doc Morris nous déclare la guerre et, cette fois, les pharmacies de proximité sont menacées dans leur existence même ».
Dernier épisode du feuilleton, les pharmaciens de la région sont en train de sommer les grossistes de leur dire s’ils livrent ou non le centre Doc Morris : « Si vraiment ils ont plusieurs milliers de médicaments en stock, il faut bien que ceux-ci viennent de quelque part », disent les officinaux. Deux grossistes coopérateurs ont déjà juré qu’ils ne livraient pas le centre, mais d’autres refusent de s’exprimer pour l’instant, mettant en avant la confidentialité de leurs opérations…
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