LES FAUX MÉDICAMENTS sont un fléau dans le monde et en particulier en Afrique. Ils pullulent dans les rues, et semblent presque plus utilisés que les médicaments en pharmacie. Car dans les pays d’Afrique, subsaharienne principalement, le vendeur de médicaments à la sauvette est devenu une institution. « Nous n’avons pas su fiabiliser le circuit pharmaceutique en Afrique, les frontières leur sont ouvertes, le rôle du pharmacien n’est pas toujours reconnu, l’importance de l’assurance-qualité peu mise en avant et la réglementation contre la contrefaçon de médicaments, bien qu’existante, est généralement non appliquée », résume Serge Barbereau, pharmacien et vice-président de ReMeD.
Au mieux, un faux médicament ne comprend aucun principe actif. Il ne soigne pas mais peut tuer par l’absence de traitement. Le faux médicament peut aussi contenir le principe actif dans un dosage différent et donc de la même façon ne pas soigner ou mal soigner. Il peut contenir une autre molécule, et même être toxique, voire mortel. Ces produits sont pour leur grande majorité importés, car l’Afrique est peu productrice de médicaments.
La lutte contre la contrefaçon de médicaments prend aujourd’hui de l’ampleur, grâce à une meilleure coordination des forces de sécurité des différents pays, une réglementation renforcée et l’implication d’acteurs de poids tels qu’Interpol. Le 12 octobre dernier l’ancien président de la République française Jacques Chirac, a lancé un appel de Cotonou (Bénin) au nom de sa Fondation, prélude d’une campagne de grande échelle pour lutter contre les faux médicaments dans les pays en voie de développement. L’objectif : inciter les responsables politiques du monde entier à se mobiliser contre ce trafic, qui dépasse aujourd’hui, en chiffre d’affaires, le trafic de drogues.
Des peines dissuasives.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les médicaments contrefaits représentent 10 % du marché pharmaceutique mondial, soit 45 milliards d’euros. « Il est nécessaire d’éradiquer les circuits illites et de sécuriser les circuits licites publics ou privés. Sans la sécurisation, nous devons faire face à des échecs thérapeutiques et des pertes importantes pour les États qui ne perçoivent pas la taxe au passage des frontières. Les gouvernements vont aussi devoir faciliter l’accès des populations aux médicaments, au sein de réseaux sécurisés et sous la responsabilité du pharmacien. Enfin, il faut un renforcement du réglementaire cohérent et complet, avec des peines plus dissuasives », souligne Vincent Mehinto, pharmacien inspecteur de la santé publique en France et membre de ReMeD.
Finalement, note Parfait Kouassi, président de l’Inter Ordre des pharmaciens d’Afrique (IOPA) et de l’Ordre des pharmaciens de Côte d’Ivoire, les circuits licites sont efficaces puisque le taux de contrefaçon détecté est relativement faible. « C’est à nos autorités d’éradiquer le marché de rue, nous pourrons ensuite nous pencher sur les imperfections du système légal. Quant au prix des médicaments, il est évident que nous devons faire des efforts pour les rendre accessibles, mais aussi communiquer car les médicaments de rue ne sont pas forcément moins chers que ceux en pharmacie. »
Plaques tournantes.
Malgré une implication forte des organes professionnels des pharmaciens, comme l’Intersyndicale des pharmaciens d’Afrique (ISPHARMA), présidée par Boniface Okouya, la traçabilité de tous les médicaments importés n’est pas encore une réalité. Face à des frontières poreuses et à de véritables plaques tournantes du médicament au Congo Brazzaville, où se sont installées nombre d’industries pharmaceutiques non homologuées, les lignes du chemin de fer qui traversent quatre pays et le port de Pointe Noire, l’ISPHARMA résiste avec ses moyens. Elle a embauché des surveillants des imports-exports de médicaments, mis à contribution les douanes et la police, créé un laboratoire de contrôle… « Nous menons une campagne de sensibilisation de grande envergure dans les médias, pour que les gens sachent les risques qu’ils prennent, pour qu’ils aillent naturellement vers le pharmacien, pour éradiquer ce trafic. »
Au Sénégal, le constat est aussi amer : le marché illicite du médicament représente 7 à 8 milliards de francs CFA, soit 40 % du marché pharmaceutique du pays. Les axes prioritaires sont également la sensibilisation du grand public, la répression du marché illicite, l’accessibilité du médicament par la promotion des génériques et l’implantation d’officines dans les endroits les plus reculés. Pour Aboubakrine Sarr, président du syndicat des pharmaciens du Sénégal, rien ne changera sans « l’engagement politique, incontournable pour que la loi soit véritablement appliquée ».
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