COMME chaque année à la même époque, les idées fusent pour redresser les comptes de la Sécu. À la mi-juillet, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) rend ainsi public ses propositions et pistes de réflexion (35 au total) pour améliorer la qualité des soins et l’efficience des dépenses. Parmi elles, un nouveau tour de vis sur le prix des génériques. Car aux yeux de l’organisme payeur, « les prix des médicaments génériques sur les huit principales classes thérapeutiques apparaissent parmi les plus élevés en France par rapport à six pays européens qui ont mis en place des dispositifs différents de fixation des prix. »
Déplafonner les remises.
Pour faire baisser les prix de ces médicaments, l’assurance-maladie compte sur les officinaux. Comment ? En leur accordant un rôle de négociateur. « L’objectif devrait être de faire émerger le véritable prix du générique, en donnant aux pharmaciens la possibilité de négocier dans des limites élargies, tout en permettant à l’assurance-maladie de bénéficier des fruits de la négociation par le biais d’une obligation déclarative », explique la CNAM. En pratique, la mesure consisterait à déplafonner la marge arrière totalement, ou ajuster ce plafond chaque année en fonction de l’évolution des revenus de l’officine, et à reverser directement ou indirectement une partie des économies réalisées à l’assurance-maladie. « La mission IGAS avait chiffré les gains apportés par une levée de la remise génériques : passage de 17 % à 20 %, 78 millions d’euros, passage de 17 % à 30 %, 340 millions d’euros », souligne la CNAM qui affirme : « Ces économies supplémentaires apportées à l’officine permettraient de réaliser des baisses de prix sans mettre à mal l’économie de l’officine ».
Porter la décote à 70 %.
Toutefois, la CNAM estime que la refonte du dispositif de fixation des prix des génériques nécessite d’approfondir les modalités et ne peut pas entrer en vigueur de manière effective avant 2014. Pour 2013, l’assurance-maladie préconise donc de porter la décote sur le flux de nouvelles spécialités génériques à 70 % du prix du princeps (au lieu de 60 %) et de procéder à des baisses individualisées sur les molécules plus anciennes, selon un mécanisme tenant compte des prix européens. « Les économies pour l’assurance-maladie pourraient s’élever à 16,5 millions d’euros en 2013 au titre de la hausse de la décote et à 385 millions d’euros au titre des mesures de baisse de prix sur le stock des médicaments génériques », calcule la CNAM.
Concentrer le réseau.
L’IGAS* et l’IGF** ont, elles aussi, profité de la période estivale pour adresser au gouvernement une série de propositions permettant la maîtrise de l’ONDAM sur le prochain quinquennat. Sans surprise, les deux administrations tablent sur de nouvelles baisses de prix sur les médicaments pour engendrer de nouvelles économies. Plus étonnant, elles misent aussi sur la concentration du réseau officinal. En fait, elles comptent sur la réduction du nombre de pharmacies pour faire baisser la marge des titulaires et au final, le prix des spécialités. La densité du réseau officinal, très supérieure à celle des autres pays de l’Union européenne, engendre un seuil de rentabilité plus faible rétroagissant sur la détermination du taux de marge distributeur, expliquent en substance les auteurs du rapport. « La structure de la marge officinale est actuellement construite pour permettre la survie de petites officines, précisent-ils. Des officines moins nombreuses et plus grandes formeraient un réseau plus efficient et permettraient le développement de nouveaux services. » Pour eux, c’est logique, « la concentration du secteur (via le durcissement des quotas d’installation en ville et l’allongement des périodes de protection en cas de regroupement) et l’assouplissement des règles d’emploi par officine (concernant les adjoints, NDLR) seraient de nature à réduire les coûts unitaires et permettre de nouvelles baisses tarifaires pour l’assurance-maladie (baisse de la marge distributeur, extension de l’honoraire de dispensation) sans altérer l’accès aux soins ni la qualité de la dispensation du médicament ». Les inspecteurs proposent, en effet, de baisser la marge unitaire des pharmaciens par boîte de médicament tout en leur garantissant une marge minimale grâce à l’honoraire de dispensation prévu par la nouvelle convention pharmaceutique. Sous réserve d’une réduction du nombre d’officines d’ici à 2016. De combien ? De 10 %, évaluent l’IGAS et l’IGF qui estiment cette baisse parfaitement « possible et soutenable ». « Cependant, afin de préserver le maillage territorial, il pourrait être envisagé de créer un forfait spécifique, qui s’ajouterait à l’honoraire de dispensation, destiné aux officines situées dans des zones normalement denses ou sous denses qui verraient leur rentabilité fragilisée par cette mesure », indique le rapport.
Les ministres intéressés ?
Une mesure qui affaiblirait encore les finances de l’officine. Mais pas pour les inspecteurs de l’IGAS et l’IGF qui affirment que « les pharmaciens, dont les revenus restent parmi les plus élevés des professions de santé, ont pour l’instant été relativement épargnés par des mesures de baisses tarifaires ». Et de rappeler que les officinaux viennent, au contraire, d’obtenir une augmentation de leurs marges concernant les conditionnements trimestriels (surcoût de 60 millions d’euros pour l’assurance-maladie). La profession appréciera. Quoi qu’il en soit, il est encore un peu tôt pour dire si ces propositions verront le jour, même si Marisol Touraine, ministre de la Santé, et Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget, disent les avoir accueillis avec intérêt. Pour eux, le rapport de l’IGAS et l’IGF, commandé par le précédent gouvernement, « formule en toute indépendance des propositions destinées à mieux piloter l’évolution des dépenses d’assurance-maladie » et « montre qu’il est possible de payer les prestations de santé à meilleur prix ». Les semaines qui viennent risquent donc d’être agitées. Même si les préconisations de ce type de rapport restent souvent lettre morte, on peut aussi imaginer, dans le contexte financier actuel, que le gouvernement sera sensible à toutes mesures lui permettant de dégager des économies nouvelles.
**Inspection générale des finances.
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