Après des épidémies de bronchiolite particulièrement éprouvantes en 2022-2023, les autorités sanitaires ont décidé de prendre les devants. Cette année, à partir du 15 septembre, « Beyfortus (nirsévimab, Sanofi), médicament indiqué en prévention des bronchiolites à virus respiratoire syncytial (VRS) chez tous les nourrissons vivant leur première saison d’exposition au VRS, sera disponible dans les établissements de santé et sur commande dans les officines », précise la direction générale de la santé (DGS). À compter du 15 septembre donc, il est recommandé que tous les nourrissons soient immunisés avant leur sortie de maternité. En ville, Beyfortus pourra être prescrit et injecté aux nourrissons nés à partir du 6 février 2023 pour la métropole. Pour les départements et régions d'outre mer, « les spécificités sont en cours d’instruction », indique la DGS.
Ainsi, la majorité des dispensations se feront à l’hôpital, dans les maternités, dans les jours suivant la naissance de l’enfant. « Les prescriptions en ville et délivrances à l’officine devraient essentiellement concerner les bébés nés à partir du 6 février 2023 et jusqu’au 15 septembre, qui n’ont donc pas pu être vaccinés en maternité, et certains enfants nés après la mi-septembre, qui sont passés entre les mailles du filet et qui n’ont pas été vaccinés à la maternité », estime Bénédicte Bertholom, responsable des affaires publiques à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). En effet, certains parents refuseront de faire immuniser leur enfant dès la maternité et auront besoin d’un temps de réflexion. Ils pourront alors choisir de faire l’injection plus tard, via leur généraliste ou pédiatre et aller chercher Beyfortus à la pharmacie.
Mais ces délivrances en ville risquent d’être fastidieuses… et mal rémunérées. En effet, les autorités de santé ont mis en place une procédure d’exception pour la distribution de Beyfortus à partir de mi-septembre en officine, via un stock Etat. Ce qui vient compliquer les choses. « Alors qu’une distribution simple, rapide et organisée via le circuit classique des grossistes-répartiteurs était proposée par les représentants de la profession, le ministère a préféré un schéma improvisé, complexe et contraignant via Santé publique France », déplore ainsi la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En pratique, les pharmaciens devaient avoir un document à remplir avec le nombre de vaccins demandé qui serait à envoyer au Laboratoire Sanofi. Par la suite il devrait y avoir une plateforme Sanofi spécifique pour les commandes de Beyfortus. Ces possibilités doivent toutefois être confirmées.
Une délivrance à 4,11 euros ?
Autre souci : celui de la rémunération du pharmacien pour la délivrance de ce type de médicament. En effet, la direction de la Sécurité sociale (DSS) n’a toujours pas établi de cadre fixe permettant une réalisation pratique des commandes et une rémunération juste des professionnels pour la distribution des médicaments relevant du stock État. Ainsi, aucun prix n’étant, à l’heure actuelle, fixé pour le Beyfortus, la DSS fonde ses calculs sur un prix produit nul et propose donc une rémunération dérisoire de 4,11 euros pour le pharmacien. Ce qui, bien sûr, fâche la profession. « Cette tarification est aussi inadaptée qu’injuste : non seulement, elle ne tient nullement compte du surcroît de travail pour le pharmacien mais, au surplus, elle se révèle largement inférieure aux 22 euros facturés pour le même acte par le pharmacien hospitalier à l’assurance-maladie ! », fait savoir la FSPF. Même mécontentement à l’USPO. « S’agissant d’un médicament du stock État, le pharmacien n’a rien à régler lorsqu’il passe commande, bien entendu il ne bénéficie pas non plus de la marge dégressive lissée (MDL). Sa rémunération ne peut reposer que sur des honoraires », explique son président, Pierre-Olivier Variot. Dans ce cadre, la DSS a proposé d’appliquer les honoraires concernés, « donc à la boîte, à l’ordonnance et liés à l’âge, soit une rémunération de 3,11 euros dans un premier temps, revue à la hausse à 4,11 euros. » Une tarification qu’il juge lui aussi non acceptable et préfère, dans ce cas, que le gouvernement confie la dispensation de Beyfortus à l’hôpital, « qui, lui, applique un honoraire de rétrocession de 22 euros quel que soit le médicament ». Une solution qui coûterait beaucoup plus cher à l’assurance-maladie… À ce jour, rien n'est encore fixé : la DSS doit se tourner vers le ministère de la Santé avant de revenir vers les deux syndicats.
Beyfortus, pourquoi si vite ?
C’est en quelques mois à peine que les autorités de santé, appuyées par de nombreuses sociétés savantes, ont décidé de mettre à disposition Beyfortus (nirsévimab) dès le 15 septembre, dans les maternités et en ville. Une procédure faite dans l’urgence, car « il y a urgence », insiste le Pr Agnès Linglart, présidente de la Société française de pédiatrie (SFP) et pédiatre à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre : « C’est une question de temps par rapport à l’épidémie de bronchiolite qui s’étend de fin septembre/début octobre à fin janvier/début février : il fallait que le médicament soit disponible tout de suite pour protéger les nouveau-nés dès la fin septembre », explique-t-elle.
Cette décision a été d’autant plus rapide à prendre que le traitement est très efficace et bien toléré. Il permet de limiter le nombre de cas graves de bronchiolite et d’hospitalisation, mais aussi de désengorger les services pédiatriques. « Les études réalisées, qui ont inclus environ 8 000 enfants, ont montré une baisse de 75 % à 80 % des hospitalisations en réanimation et des formes graves de bronchiolite. L’impact de Beyfortus est donc très important, souligne le Pr Agnès Linglart. De plus, le médicament permet d’éviter les complications qui suivent une bronchiolite : otite, pneumopathie, difficultés d’alimentation, et il allège la charge psychologique qui pèse sur les parents. »
Très efficace, Beyfortus est également d’action très rapide - dès l’injection - et sa demi-vie est de 5 mois environ : « Les nourrissons sont donc protégés dès les premiers jours de vie et durant toute la période hivernale », conclut la pédiatre. Enfin, une injection dans la vie suffit : l’année prochaine, ces enfants nés en 2023 n’auront plus besoin de Beyfortus, car ils seront plus âgés. « À l'hiver 2024-2025, ils contracteront sans doute une infection à VRS, mais les manifestations cliniques chez les plus grand n’ont pas les critères de sévérité qui existent chez les nourrissons de quelques mois. Cela va ressembler à un pic fébrile, une rhinite », évoque la présidente de la SFP. En revanche, une campagne d’immunisation sera reconduite en 2024 pour les nourrissons l'hiver prochain.
Par ailleurs, on aurait pu cibler uniquement les enfants les plus à risque de forme sévère, notamment les enfants prématurés et ayant une cardiomyopathie. Mais il ne faut pas oublier que la bronchiolite sévère, qui concerne 2 à 3 % des bébés chaque année, peut également toucher des enfants sans facteur de risques. D’où ce choix de proposer la prévention par Beyfortus à tous les nourrissons.
Quid de Synagis ?
Toutefois Beyfortus n’est pas le premier venu sur le marché de la prévention de la bronchiolite du nourrisson. Avant lui, a été commercialisé Synagis (palivizumab, AstraZeneca) qui est également un anticorps monoclonal anti-VRS, mais uniquement indiqué chez les bébés les plus fragiles (notamment les grands prématurés). Cependant son recours étant relativement contraignant (doses allant crescendo avec le poids de l’enfant), avec une durée d’efficacité courte (1 mois), il ne devrait plus être utilisé. La Haute Autorité de santé préconise en effet l’emploi du nirsévimab plutôt que du palivizumab, même chez les enfants à risque car il est plus simple d’utilisation et très efficace.
À l’avenir, une autre option thérapeutique devrait voir le jour : il s'agit d'Abrysvo, un vaccin de Pfizer contre le VRS, à administrer chez la femme enceinte (entre 32 et 36 semaines d’âge gestationnel) pour protéger l’enfant à naître. Il a été approuvé en août 2023 aux États-Unis, et devrait arriver par la suite en Europe et en France. La prévention contre la bronchiolite du nourrisson avance à grands pas.
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