LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Après la mise à disposition en libre accès des spécialités de médication officinale, les pharmaciens s’inquiètent du projet d’autoriser leur vente sur Internet. Comment envisagez-vous concrètement ce passage vers la pharmacie virtuelle ?
ROSELYNE BACHELOT.- Avant tout, nous sommes au stade de la réflexion. C’est pour cela que nous avons souhaité réunir les professionnels de la distribution des médicaments afin de recueillir leur avis. Il ne s’agit pas dans les faits « d’autoriser » la vente de médicaments sur Internet, car le droit européen oblige déjà les états membres à autoriser, a minima, la vente de médicaments sans prescription. Nous voulons encadrer et sécuriser cette possibilité de commander en ligne certains produits pour éviter les dérives. Aujourd’hui, la multitude d’offres de ventes de médicaments en ligne à partir de sites situés en dehors de l’Union européenne fait courir à nos concitoyens le risque de commander des médicaments contrefaits. On ne peut pas rester inactif face à un tel risque sanitaire. C’est pour ces raisons que je souhaite mettre en place un dispositif réglementaire qui sera fondé sur des principes simples : la vente sur Internet ne sera autorisée qu’aux pharmaciens détenant des officines légalement autorisées. Elle sera, en outre, limitée aux seuls médicaments en libre accès, qui ne donnent pas lieu à prescription et remboursement.
Donner un cadre légal à la vente de médicaments sur Internet ne risque-t-il pas de fournir de nouveaux arguments à la grande distribution pour s’introduire sur ce marché ?
Franchement, je ne le pense pas. C’est l’inaction qui engendrerait les plus grands risques. La qualité de notre réseau de distribution pharmaceutique est notre meilleur rempart contre les contrefaçons et il doit donc être préservé. Tous les médicaments, même ceux en libre accès, doivent rester dans le circuit pharmaceutique : les conseils du pharmacien au moment de la délivrance permettent d’éviter les surdosages et les interactions. Le maillage territorial des officines permet en outre à nos concitoyens d’avoir accès partout sur le territoire à des pharmacies proches de chez eux et ouvertes 6 jours sur 7. La possibilité de commander en ligne certains médicaments sur des sites détenus et gérés par des officines offrira une nouvelle possibilité appréciable pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer ou à celles qui habitent dans des zones isolées.
Une nouvelle liste de médicaments remboursés à 15 % vient d’être rendue publique. Les pharmaciens doivent-ils s’attendre à d’autres baisses de remboursement, voire à des déremboursements ?
Le taux de remboursement d’un médicament dépend de critères médicaux comme son efficacité, la gravité de la maladie concernée, ou l’existence d’alternatives thérapeutiques. La décision de baisser le taux d’un médicament dont le service médical rendu a été jugé faible par la Haute Autorité de santé vise ainsi à adapter son niveau de remboursement au service médical qu’il rend effectivement. Ce changement n’intervient toutefois qu’au moment où ce nouveau taux est acté. Une fois ceci fait, il n’y a pas d’autre vague de baisse de remboursement ou de déremboursement prévue. En revanche, il pourra y avoir des décisions ponctuelles pour des médicaments dont la Haute Autorité de santé viendrait à réévaluer le SMR en le jugeant faible ou insuffisant.
Dans un contexte économique difficile, les pharmaciens ne veulent pas attendre le prochain PLFSS pour corriger la trop forte dégressivité de leur marge. Quelle mesure comptez-vous proposer rapidement pour enrayer cette dégradation qui met dans le rouge un nombre de plus en plus élevé d’officines ?
Je suis consciente des difficultés que rencontrent certaines officines, mais il nous faut parvenir à un diagnostic partagé. C’est pourquoi j’ai demandé à mes services d’effectuer un diagnostic détaillé de la situation économique des officines. Les syndicats seront évidemment associés à ces travaux. J’ai volontairement mis l’accent sur les officines rurales et celles qui sont en surnombre.
Les résultats de cette étude me seront présentés avant l’été. Les discussions pourront alors reprendre avec les représentants de la profession sur les constats et les mesures à prendre.
Certaines expérimentations relatives aux nouvelles missions des pharmaciens pourront toutefois démarrer sans attendre. Une réunion entre les représentants des professionnels et la CNAMTS est prévue dans les prochaines semaines afin de leur présenter tous les moyens de financement existant dans le cadre du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS). Les expérimentations qui auront prouvé leur intérêt auront alors vocation à être pérennisées.
Vous l’avez souligné récemment, le modèle économique de l’officine n’est plus adapté au marché actuel, moins dynamique. Comment le voyez-vous évoluer ?
Le rôle du pharmacien comme un acteur des soins de premier recours a été reconnu dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Concrètement, le pharmacien sera de plus en plus impliqué dans des actions de prévention, d’éducation thérapeutique, de suivi des patients souffrant de pathologies chroniques. Cela va avoir des implications sur le mode de rémunération des pharmaciens qui va comprendre progressivement une part de rémunération forfaitaire en fonction de son implication dans ces nouvelles missions. En ce qui concerne le médicament, l’évolution vers un autre mode de rémunération que la marge pourrait être envisagée, mais il doit être très précisément étudié avant d’être mis en place. Je ne veux pas qu’une modification hâtive du système de rémunération provoque une déstabilisation de notre réseau officinal. Ce point fera donc partie des discussions qui vont être entamées avec les représentants de la profession.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %