Le Quotidien du pharmacien.- Comment réagissez-vous à ces retraits du libre accès ?
Christophe de la Fouchardière. Cette volonté va à contre-courant de l’histoire et de la co-construction du libre accès que nous avons partagé avec l’ANSM ces dix dernières années. Au lieu de déshabiller le libre accès, nous devrions en étoffer la liste. C’est aussi une évolution qui révèle une méconnaissance du travail du pharmacien au quotidien en faveur du bon usage du médicament et de la traçabilité. Nous répétons sans cesse que le médicament n’est pas un produit banal, que sa dispensation doit être accompagnée de conseils. Le libre accès s’appuie sur les compétences et l’expertise du pharmacien dans l’environnement contrôlé et sécurisé de l’officine, il fait partie du parcours de soins.
Craignez-vous d’autres procédures de ce type, voire la fin du libre accès ?
Nous espérons que non, ce serait un signal très négatif pour les 70 % d’officines qui ont mis en place un rayon libre accès. À l’heure où le Parlement pousse vers la dispensation sous protocole et reconnaît les compétences des pharmaciens dans les infections bénignes, ces mesures sont incompréhensibles. Le paracétamol, l’ibuprofène et l’aspirine, donc l’offre en antalgie, représentent la première catégorie de l’automédication. Leur retrait touche le libre accès dans sa logique et va conduire à des changements majeurs pour les pharmaciens qui ont investi pour installer un espace dédié près des comptoirs. Cela va également priver les Français de leur capacité à comparer les médicaments en automédication. Or plus d’un Français sur deux utilise le libre accès. Les antalgiques en libre accès, c’est plus de 80 spécialités. Avec celles contenant de l’alpha-amylase, c’est 25 % des ventes du libre accès en volume que l’on retire.
Ces procédures de sortie du libre accès vous ont-elles surpris ?
Après le relistage de la codéine, l’ANSM semble adopter un comportement plus sécuritaire, mais nous pensons qu’elle fait fausse route avec la restriction du libre accès. Mieux vaudrait, comme nous le proposons depuis longtemps, inscrire systématiquement au dossier pharmaceutique (DP) les médicaments à prescription médicale facultative (PMF) dispensés sans ordonnance. Cela renforcerait le rôle du pharmacien et protégerait davantage le patient.
Les garde-fous du libre accès sont-ils suffisants ?
La sécurité peut toujours être améliorée. Outre l’inscription au DP, l’AFIPA préconise le lancement d’une campagne grand public par les autorités sur le bon usage du médicament. D’autres outils sont intéressants, comme l’algorithme décisionnel dans la céphalée développé par la Société française des sciences pharmaceutiques officinales (SFSPO) qui permettrait de protocoliser le conseil et de l’harmoniser sur le territoire. Tout ce qui favorise l’éducation à une automédication responsable est le bienvenu.
Avez-vous pu vous faire entendre sur le sujet ?
L’AFIPA n’a pas été consultée, mais nous pensons que la décision était prise avant même la phase contradictoire avec les laboratoires. Nous nous sommes rapprochés de la Direction générale de la santé (DGS) et de la conseillère santé de la présidence de la République. L’entrevue a été positive dans le sens où nous avons renoué le dialogue avec l’ANSM. Nous sommes déterminés à faire partie des échanges sur ces sujets, comme toutes les autres parties prenantes, de façon à pouvoir présenter nos propositions. Par ailleurs, nous demandons à l’ANSM un suivi de ces mesures avec des indicateurs précis pour analyser le résultat de ces décisions et vérifier qu’il ne faut pas prendre une autre direction.
* Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable.
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