« EN FRANCE, nous consommons trop de médicaments et il y en a trop sur le marché », a déclaré Xavier Bertrand lors de la présentation de sa réforme du médicament. Il a rappelé qu’actuellement « 19 000 autorisations de mise sur le marché (AMM) sont recensées et 12 000 médicaments commercialisés ».
Décidé à lancer un grand ménage dans cette offre pléthorique, le ministre s’est appuyé sur les différents rapports commandés suite à l’affaire du Mediator : rapports de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), synthèse des Assises du médicament, rapport Debré-Even, mais aussi travaux de la mission parlementaire sur le Mediator et la pharmacovigilance. Le rapport de la mission du Sénat sur Mediator est quant à lui attendu d’ici la fin du mois de juin. Les mesures retenues par Xavier Bertrand s’articulent autour de trois axes : transparence et lutte contre les conflits d’intérêt, principe de précaution au bénéfice du patient et meilleure information des patients, ainsi que meilleure formation des professionnels de santé.
TRANSPARENCE ET LUTTE CONTRE LES CONFLITS D’INTÉRÊTS
Le premier pilier de sa réforme a ainsi pour objectifs « la lutte contre les conflits d’intérêt et la transparence des décisions ». Les mesures prévues sont :
• La mise en place d’un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts (DPI), qui devra être rempli aussi bien par les experts, externes ou internes, que par les associations de patients.
• La création d’une cellule de déontologie dans chaque institution pour gérer et contrôler les DPI des acteurs qu’elle sollicite.
• La création d’une base de données publique pour consulter l’ensemble des DPI.
• L’interdiction à toute personne qui se trouve en conflit d’intérêt de participer à une réunion d’experts, sous peine de frapper de nullité les avis ou décisions pris lors de cette réunion.
• La mise en place d’un « Sunshine Act » à la française, pour tous les acteurs du monde de la santé avec la publication de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires et les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes ou les associations de patients. Chaque industriel devra publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l’intégralité de ces informations. En cas de non-respect de cette obligation, des sanctions seront appliquées, notamment l’impossibilité de siéger dans les commissions des agences sanitaires.
• Le renforcement de la collégialité des travaux et l’intégration de représentants d’associations de patients dans les commissions.
• L’extension de la démarche déjà engagée par l’Afssaps, de diffusion publique des débats des commissions des agences sanitaires.
• La réduction du nombre de membres au sein des commissions statuant sur le médicament, « pour éviter une dilution des responsabilités », et un renouvellement régulier de leurs membres, tous les 4 ou 5 ans.
• Un renforcement de l’expertise interne, notamment de l’Afssaps, en engageant des experts plus nombreux, mieux rémunérés et bénéficiant d’une valorisation de leur expérience pour le reste de leur carrière.
RENFORCEMENT DE LA SURVEILLANCE DU MÉDICAMENT
Le deuxième axe de la réforme vise à surveiller de près le médicament, afin que « le doute bénéficie systématiquement au patient, dès l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et tout au long de la vie du médicament ». Cela passe par :
• La prise en compte de la valeur ajoutée thérapeutique dans la réflexion sur l’octroi d’AMM, grâce à la réalisation d’essais cliniques contre un médicament de référence, lorsqu’il existe.
• Un durcissement des règles pour la prise en charge des traitements : pour être remboursé, un médicament devra prouver qu’il est « au moins aussi bon » que ce qui est déjà sur le marché et remboursable.
• La fin du remboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant (SMRI), sauf avis motivé du ministre.
• Un encadrement des prescriptions hors AMM, avec inscription de cette mention sur l’ordonnance.
• Un suivi du médicament tout au long de sa vie, en favorisant la notification des effets indésirables et un retour systématique sur les suites des signalements. Un dispositif de médiation sera mis en place pour permettre un recours en cas de non-traitement d’une demande ou d’un dossier.
• Une inscription sur chaque boîte de médicament d’un numéro vert et du site internet de l’Agence nationale de sécurité du médicament, ex-AFSSAPS (voir encadré) pour faciliter la notification par les patients, possible depuis peu.
• L’apposition d’un pictogramme sur les médicaments sous surveillance particulière, ainsi que la publication régulièrement remise à jour de leur liste par l’Agence.
• Une réévaluation du rapport bénéficie/risque des médicaments les plus anciens et, à terme de l’ensemble de la pharmacopée.
• La création d’une commission bénéfice/risque à l’Agence, rassemblant des représentants de la pharmacovigilance et de l’AMM.
• Des sanctions, pouvant aller jusqu’à une suspension de l’AMM, pour les industriels ne respectant pas les délais pour les études qui leur sont demandées.
• L’obligation pour les laboratoires qui retirent un médicament dans un pays pour des raisons commerciales, de le signaler à tous les pays.
• Une évaluation des données cliniques relatives aux dispositifs médicaux, l’encadrement de leur publicité et l’amélioration de la matériovigilance.
REFONTE DE LA VISITE MÉDICALE
Enfin, le troisième volet de la réforme porte sur la formation et l’information. Il comprend :
• La création d’un portail du médicament, destiné au grand public et aux professionnels de santé, et comprenant les informations de l’AFSSAPS, de la HAS et de l’assurance-maladie.
• Le renforcement de la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance dans les formations initiale et continue des professionnels de santé.
• L’interdiction du financement des activités des étudiants par les laboratoires.
• Le financement de la formation continue des libéraux et des hospitaliers par un prélèvement provenant de l’industrie pharmaceutique.
• Une refonte complète de la visite médicale (VM), avec interdiction de la VM dans un cadre individuel à l’hôpital. Les visites collectives seront expérimentées dans les établissements hospitaliers, avant une possible extension à la médecine de ville.
Enfin, Xavier Bertrand souhaite revoir le pilotage de la politique du médicament, par la création d’un « comité stratégique de la politique de santé et de la sécurité sanitaire », présidé par le ministre lui-même. Il présentera son projet de loi en conseil des ministres avant la trêve estivale et au parlement à l’automne. À l’issue du vote de ce texte, il souhaite une évaluation dans deux à trois ans du nouveau dispositif du médicament.
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